En refusant d’ouvrir le débat sur la pénibilité, le gouvernement s’est mis dans une impasse puisqu’il apparait que les plus précaires devront attendre 67 ans pour toucher des pensions à taux plein alors que les ouvriers et employés vivent dix ans de moins en bonne santé que les cadres.
Sur fond de crise persistante, le gouvernement misait certainement sur la lassitude des Français pour imposer le recul de 60 à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite. Au vu des milliers de bus qui convergent ce matin vers les grandes villes pour y rassembler des centaines de milliers de manifestants, ses stratèges, les Woerth et autres Soubie (conseiller social de l’Elysée) doivent commencer à douter de l’option choisie. Non seulement son projet de réforme inégalitaire empêche en l’état tout compromis à court terme avec l’ensemble des organisations syndicales, CFDT y comprise. Mais encore, faute à ce jour d’amendements décisifs, il attise à point nommé, le sentiment d’injustice des salariés qui n’acceptent pas que les plus précaires soient contraints d’attendre 67 ans pour toucher des pensions à temps plein. Alors même que ceux qui occupent les emplois les plus pénibles, -ouvriers et employés soumis à du travail posté ou de de nuit notamment-, vivent 10 ans de moins en bonne santé que les cadres ! Dix ans, un fossé effarant qui ne cesse de se creuser et qui ne sera pas comblé, loin de là, par le maintien envisagé de la retraite à 60 ans pour quelques 10 000 salariés parcimonieusement reconnus invalides à 20%…
Du benchmarking comme outil de propagande
Dans les pays du Sud, Italie et Espagne, les espérances de vie des différentes catégories socio-professionnelles sont loin d’accuser d’un tel écart. En Angleterre, aux Pays bas, le pourcentage de personnes déclarées invalides est deux fois plus important que dans l’Hexagone. De l’ordre de 23% contre seulement 12,5% en France.
En Allemagne où il est également envisagé de reporter à 67 ans l’âge de la retraite à taux plein, il ne faut valider que 35 annuités contre 40,5 chez nous pour toucher un pécule. Sans compter qu’Outre-Rhin, les pensions complémentaires des moins favorisés sont largement abondées par l’Etat Fédéral.
Plus au Nord, en Scandinavie ou l’on se préoccupe depuis plus de trente ans, d’aménager et de sécuriser les postes de travail, le climat est également beaucoup plus clément pour les seniors. Ainsi de Copenhague à Stockholm, ce n’est pas uniquement de retraites peau de chagrin que l’on débat mais également de bonheur au travail. Une ouverture qui favorise bien sûr la cohésion sociale et au final la compétitivité du royaume. Alors qu’en se pliant constamment au diktat du MEDEF et des ultra-libéraux qui n’ont eu de cesse d’accréditer l’idée que la pénibilité c’était bien trop compliqué, Nicolas Sarkozy et François Fillon ont finalement pris le risque majeur d’un débat expéditif. A moins que, comme le préconise Gérard Larcher dans Le Mond e, le gouvernement finisse par entendre les manifestants et ré-ouvrir le dossier. Après tout, le pire n’est jamais sûr