Lettre ouverte P.GIRARDIER

    C’est parce qu’il existe des sites internet comme MaZoneContrôlée, Réseau Sortir du Nucléaire, Greenpeace et encore bien d’autres qu’aujourd’hui le débat parlementaire avance sur la question de la réalité des conditions de travail des employés du nucléaire.
    Force est de constater à l’issue de l’enquête que les interrogations sur le sujet ont permis de soulever nombre de points qui s’imposent aujourd’hui comme un rappel à l’ordre à la nécessité de respecter certaines obligations techniques, structurelles, organisationnelles et institutionnelles pour que l’activité puisse se dérouler dans des conditions acceptables mais aussi et surtout, responsables.
    Néanmoins, pour tous ceux qui, de par leur profession connaissent bien le sujet, une dure réalité voit jour ; celle-ci est apparue lors des « débats » par la nature des questions posées, qui traduit une grande innocence sur le sujet.
    Entre parlementaires « en phase d’initiation » et professionnels aguerris, le décalage est abyssal.
    A l’évidence, la prise de connaissance de certaines informations, jusque-là occultées par la voie officielle, a permis d’élever le niveau au minimum requis, pour avoir une première approche de la gravité de la situation.

    Faire face au discours officiel, noyant le sujet dans des subtilités d’ordre technique et incompréhensibles à tout néophyte, doit passer par cette connaissance indispensable. Elle rend alors possible d’apprécier la légitimité de certains mécanismes et de les dissocier des stratagèmes qui ne sont que diversions « par effets de com », pour éviter d’avoir à se justifier.

    Malheureusement la commission d’enquête n’aura guère eu le loisir de pouvoir digérer la somme d’informations colossales avant la fin de son instruction pour pouvoir véritablement entrer dans le cœur du sujet, d’où une certaine frustration des professionnels du secteur qui en attendaient beaucoup plus. L’on s’en contentera dans un premier temps, ce débat étant une première et ayant le mérite d’exister.

    Mais maintenant que nos parlementaires sont un peu plus au courant des réalités, et que cette première porte est ouverte, il nous appartient de savoir ne pas la refermer et d’en ouvrir d’autres, surtout celles qui ont été soigneusement survolées lors de cette première prise de connaissance.

    L’aspect santé ayant été brièvement abordé et ce, de manière très superficielle, il serait alors bon de prendre connaissance des subtilités techniques qui permettent d’en comprendre la finalité au travers de dispositions utilisées pour l’encadrer.

    Ce que je vais dénoncer est tout particulièrement important car les dérives touchent aussi et malheureusement le secteur médical, cela posant beaucoup de questions.
    Comme je l’ai évoqué sur le site MaZoneContrôlée auparavant, j’ai développé un cancer de la thyroïde pendant que j’exerçais mon activité professionnelle.
    La médecine du travail et la sécurité sociale ont considéré que ce cancer, n’était pas dû à mon activité professionnelle et était probablement d’origine génétique, puisque 5% des cancers de la thyroïde sont de cette origine (les 95% restant étant d’origine accidentelle, industrielle et professionnelle, issus d’une exposition à l’iode radioactif). La lecture statistique qu’en fait le corpus médical est pour le moins surprenante, pour ne pas dire abusive, surtout au vu de mon activité et de la nature des chantiers sur lesquels j’ai eu l’occasion de travailler.

    Le fait est qu’à l’issu de ce cancer, j’ai été déclaré invalide pour mon poste de travail, et comme mon employeur n’avait pas d’autre poste à me proposer, j’ai été licencié.
    Fin de l’histoire pour l’employeur et la sécurité sociale, mais pas pour moi, car je conteste cette décision.
    Grace au site « MaZoneContrôlée » et au soutien de « Réseau Sortir du Nucléaire », je suis contacté par une personne qui est interpelée par mon cas et qui me demande des précisions sur mon contexte de travail au moment des faits.

    Il lui apparait alors un certain nombre d’incohérences, simplement en regardant mes fiches d’expositions.
    A la vue des données que je lui ai transmises, elle se demande comment techniquement l’entreprise peut justifier de toute forme de responsabilité sur une exposition et sur quelles bases médicales, la médecine du travail et la sécurité sociale peuvent exclure tous risques professionnels (???).
    Au vu de l’historique des données d’exposition cela est totalement impossible de l’affirmer.
    Afin de corréler ce premier constat, elle me demande de récupérer mon dossier médical auprès du LBM de Saint Denis, qui est le laboratoire de biologie médicale qui traite tous les échantillons du personnel évoluant en CNPE, ce que je fais dans les formes en adressant un courrier en RAR, avec justificatif d’identité tout en demandant une liste détaillée des informations avec justification de traçabilité et rapports techniques de mesures.

    La Directrice médicale, une première fois, bottera en touche pour ne pas me répondre tout en m’invitant à prendre contact avec mon médecin du travail.
    Cette réponse est pour le moins étrange, tout patient ayant un droit d’accès à son dossier médical s’il en fait la demande explicite, celui-ci n’étant pas la propriété, ni du laboratoire, ni du médecin.
    Je contacte donc mon médecin du travail, seulement voilà, comme j’ai été licencié et que je ne travaille plus pour l’entreprise, il ne peut (ou ne veut) me recevoir et de fait appuyer ma demande.

    La Directrice du LBM en conditionnant un passage obligé par la médecine du travail, qui refuse de vous recevoir, vous prive des données qui sont la base de votre contestation. A en croire l’étrange attitude de la médecine du travail, il semble apparaître que « le téléphone ait bien marché ».

    Question : comment fait-on alors pour accéder aux éléments médicaux en pareille situation ?

    J’adresse alors un second courrier de relance au LBM : aucune réponse.

    J’adresse alors un troisième courrier de relance avec copie auprès des autorités de contrôles, dont l’ASN.
    A ce jour, toujours pas de réponse.

    Vous comprendrez pourquoi je vous alerte sur ce sujet, parce que si un jour et, je ne vous le souhaite pas, vous vous retrouvez dans une situation similaire à la mienne, vous vous rendrez vite compte que vous vous retrouvez bien seul et démuni devant un monstre qui use et abuse de moyens totalement illégaux pour faire barrage, au plus basique des principes, celui de pouvoir se défendre sur la base de documents officiels qui vous sont normalement accessibles.
    Le LBM à une obligation technique de conserver les documents médicaux pour une durée de 50 ans, pour servir de justification dans les cas de contestation possible.
    Seulement voilà, entre la théorie et la pratique, il y a un monde.
    Quand les autorités de contrôle et le LBM font barrage en se distinguant par leur silence, cela soulève des questions qui, en l’état actuel des choses, font office de non-réponses et rendent légitimes les suspicions.

    Le Secret Médical n’a de valeur que par la discrétion du caractère nominatif des résultats.
    Dans ce cas précis, ce sont mes analyses, et il m’appartient de pouvoir rendre publique les éléments de mon dossier si cela s’avère utile pour d’autres.
    En aucun cas, le corps médical ne peut m’imposer ce silence, celui-ci s’appliquant à son exercice mais pas à moi et si je décide de partager ces informations, personne n’a le droit de me l’interdire.

    Quand les moyens légaux sont verrouillés comme c’est le cas, il existe d’autres moyens, entre autre celui de la mobilisation pour faire pression.
    Tout personne susceptible d’avoir été exposée est en droit de contester un refus de reconnaissance en maladie professionnelle et doit pouvoir accéder à son dossier médical pour faire valoir ses droits.
    C’est pourquoi je vous demande de relayer ce message massivement, pour que ce genre d’entrave ne soit plus la règle et qu’un maximum de personnes soient au courant de ce genre de pratique totalement illégale mais cautionnée par les autorités.

    Patrice Girardier

      4 comments for “Lettre ouverte P.GIRARDIER

      1. J M VAURRIER
        20 juillet 2018 at 13h09

        Le député Claude de Ganay (ancien maire de Dampierre) s’insurge contre le rapport sur la sûreté du nucléaire. Voilà la presse régionale qui nous informe. Et va y que c’est les anti- nucléaire, la ministre Barbara Pompili et compagnie qui donneraient une vision erronée et alarmiste de la sécurité et de la sureté des installations nucléaires. Bref ce député était membre de la commission d’enquête sur la sureté et le sécurité et bien sur il appartient au parti politique LR et n’a jamais travaillé en centrale nucléaire. Quand je pense qu’il n’a même pas été foutu de se faire élire une seconde fois maire de Dampierre et qu’il doit son mandat de député sur un écart de 88 électeurs. La commune de Dampierre serait entièrement irradié qu’il nous dirait que tout va bien. Une bonne nouvelle tout de même, il nous a annoncé que se serait son dernier mandat de député ?

        • Exosphene
          21 juillet 2018 at 12h24

          C’est tout le problème de la relation publique du programme de l’électronucléaire Français que tu évoques là, et ce problème en marche forcée (déjà à l’époque) est historique (voir le livre Nucléaire Danger Immédiat qui le décrit très bien).
          Tout repose sur l’arrosage des élus locaux pour leur soutirer une adhésion très avantageuse.
          Il y a ceux qui ont cédé aux chants des sirènes et construit leur carrière politique dessus, et les autres plus conscients du cadeau empoisonné qu’on leur proposait.

          Malheureusement nous vivons dans une société qui s’est développée jusqu’à maintenant dans l’illusion du confort facile, en investissant avant tout dans des politiques qui favorisent les égoïsmes personnels (parade efficace pour lutter contre les véhémences de recherche de vérité).
          Croissance conditionnée à grand coup de com et d’€, ayant pour seule finalité d’avoir le champs libre pour instaurer une « politique » du pas vu pas pris, économiquement très avantageuse.
          Le nucléaire Français commence à partir des années 50, force est de constater dans la très grande majorité des cas, l’ignorance de la population sur la réalité du sujet.
          Pourtant cela en fait des témoignages d’anciens qui ont travaillés dans le secteur, ils en ont vu des choses, ils en ont vus partir des collègues et pourtant il faut attendre 68 ans, pour avoir le premier débat parlementaire qui traite publiquement du sujet et où enfin, la parole est donnée à ceux qui y travaillent.
          Le passage du mythe à la réalité, ébranle le dogme de la « sureté », c’est à dire le secret (industriel, militaire et médical) imposé par la raison d’état.

          Au delà de la forme policée du rapport parlementaire, à ne pas s’y méprendre ce qui est réellement mis en évidence est l’omerta imposée par tout le système industriel mais aussi institutionnel qui l’encadre, celle-ci favorisant un cycle incontrôlé de dérives multiples et variées, jusqu’à imposé un risque systémique majeur de par l’effet domino qu’il provoquerait inévitablement sur toute la société.

          Alors ! Que certains élus qui doivent leur carrière personnelle à la manne providentielle d’AREVA ou d’EDF aujourd’hui s’insurgent du rapport parlementaire n’est absolument pas surprenant, c’est leur petit monde égoïste qui s’effondre. Ils peuvent toujours essayer de se justifier en agitant des statistiques soigneusement empreintes d’une lecture « idéologique », quand bien même, celles du marché invitent pourtant à revenir à la réalité ; leurs effets de com d’antan sont dépassés, leur crédibilité ne tient plus devant les évidences, en face maintenant il y a du monde qui connaît le sujet.

          Beaucoup ont subit les méthodes dictatoriales de mangement, qui jettent les gens à la rue comme des chiens, le phénomène est devenu tellement courant, que la sacro-sainte discrétion qui permettait une forme d’hermétisme de l’activité est devenue à peu près aussi étanches que les barrières de confinement des centrales.

          Ces gens là n’ont jamais fait que penser à leurs intérêts personnels sans se soucier des conséquences à long termes, ce qui est assez paradoxal lorsque l’on parle de nucléaire ou les décisions engagent l’avenir des générations futurs.
          C’est pourtant en misant sur cette stratégie que l’état à forcé la main à la population pour imposer ce modèle énergétique.
          Ce que nous payons aujourd’hui c’est le prix d’une inconscience d’une immaturité devant la folie de l’appât du gain facile et surtout sans avoir à rendre de compte à personne, tout le système est verrouillé.

          La tentative de passage en force des industriels par une politique du pas vu pas pris sur du matériel non conforme, est gravissime, mais que risque de penser l’opinion public si jamais il venait à découvrir que cette même politique s’est aussi appliquée au secteur médical, sur le suivi des travailleurs, et par voie de conséquence aussi sur les populations civiles, par une méthodologie détournée qui permet de se soustraire au valeurs d’applications des normes, en minorant les résultats dans des proportions qui dépassent l’imagination, le tout couvert par les autorités aussi peu regardantes qu’enclines à se justifier à partir d’éléments tracés et vérifiables. (Réccurence qui est revenue dans l’air du temps du moment avec l’actualité de l’affaire Benella entre-autres, qui n’est qu’un exemple de plus qui témoigne de ce type de méthodes d’un autre temps, qui relève beaucoup plus d’une gouvernance de république bananière que d’une vraie démocratie, pas étonnant que la tendance à la systémisation suscite beaucoup de colère).

          Si l’histoire n’est qu’un mensonge sur lequel tout le monde se met d’accord, peut être serai-il temps de demander l’avis de la population pour voir si effectivement tout le monde est bien en accord.

          Si aujourd’hui Patrice se voit contraint de faire déférence à l’avis de sa sainteté du LBM d’EDF, qui lui refuse l’accès à son dossier médical, mais qui néanmoins à permis au médecin du travail d’EDF d’exclure toutes relations de cause à effet entre son cancer et son activité professionnel, sans juger nécessaire d’en communiquer le détail à son confrère qui suivait Patrice, il n’est pas illégitime, au regard de la méthode, de se poser la question : Est-ce que le nucléaire ne serait pas devenu le cancer de notre démocratie ?

      2. Rédaction MZC
        18 juillet 2018 at 10h52

        Quelques éléments de la réglementation en vigueur :

        1 – le Code du Travail indique en particulier :

         » Article R4451-60 : Chaque travailleur intéressé est informé de l’existence de la fiche d’exposition et a accès aux informations y figurant le concernant.

        Article R4451-69 : Sous leur forme nominative, les résultats du suivi dosimétrique et les doses efficaces reçues sont communiqués au travailleur intéressé ainsi qu’au médecin désigné à cet effet par celui-ci et, en cas de décès ou d’incapacité, à ses ayants droit.

        Ils sont également communiqués au médecin du travail dont il relève et, le cas échéant, au médecin du travail de l’établissement dans lequel il intervient. »

        2 – en application des dispositions du Code du Travail, l’arrêté du 17 juillet 2013 (dit « arrêté dosimétrie ») stipule notamment :

         » Article 17 :

        I. ― A la demande du travailleur, les organismes de dosimétrie communiquent par un moyen dématérialisé permettant de garantir la sécurité des données ainsi que leur confidentialité ou, lorsque cette communication n’est pas possible, sous pli confidentiel, à l’intéressé et au médecin qu’il a désigné, les résultats individuels de la dosimétrie le concernant.

        II. ― A la demande du travailleur, le médecin du travail communique par un moyen permettant de garantir la sécurité des données ainsi que leur confidentialité à l’intéressé et au médecin qu’il a désigné les résultats individuels de la dosimétrie le concernant. »

        3 – Par conséquent, vous devez pouvoir obtenir les informations relatives à votre suivi dosimétrique selon 3 canaux :

        x en vous adressant à votre médecin du travail qui conserve vos données dosimétriques dans votre dossier individuel (prévu à l’article R.4451-88 du Code du Travail) ;

        x en vous adressant à l’organisme de dosimétrie tel qu’indiqué à l’article 17 de l’arrêté dosimétrie (toujours en vigueur) ;

        x en vous adressant – par demande écrite [ https://siseri.irsn.fr/informations ] – au service de l’IRSN qui gère la base de données SISERI qui centralise et conserve toutes les données dosimétriques.

      3. exosphene
        17 juillet 2018 at 12h48

        Cela peut se passer près de chez vous, mais cela peut aussi se passer chez vous, et si jamais cela malheureusement vous arrive un jour vous aurez besoin de son expérience et de celle des autres qui en ont été victimes pour vous en sortir.
        Parce que tant que les personne ne se mobiliseront pas, rien ne bougera.
        Que ce qui est écrit dans ce témoignage entre bien dans les esprits, et vous garde en alerte, personne n’est à l’abri.
        Si les choses se passent comme cela, c’est qu’il y a une bonne raison, il faut aller au delà des apparences conditionnées et couper ce putain d’arbre qui cache la forêt.
        Soutien à Patrice dans son combat. Partagez massivement que ça ronfle aux oreilles des parlementaires.

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