De l’uranium et des Hommes
Le choix du nucléaire s’est imposé en France dans les années, en partie pour des raisons diplomatiques et militaires, en partie grâce à l’héritage historique des premiers chercheurs en réactivité.
Le nucléaire, c’est un combustible enrichi, utilisé en très petites quantités, qui grâce à une réaction physique, produit une chaleur intense. Au contact indirect d’eau, la vapeur produite entraîne une turbine, dont le mouvement est converti en électricité.
Outre la construction d’une centrale, qui mobilise pendant 2 à 5 ans des milliers de travailleurs, le nucléaire emploie des ouvriers de maintenance, mais aussi des travailleurs saisonniers. En effet, le combustible doit être remplacé annuellement, ce qui implique l’arrêt de la centrale, la vidange de son eau, et la présence physique d’une douzaine d’hommes ou de femmes à l’intérieur des cuves normalement confinées par des murs de béton armé.
La transition d’entreprises publiques à groupes côtés
Les employés de l’ancien EDF-GDF bénéficiaient des avantages sociaux liés à la création du monopole national par le ministre communiste Marcel Paul. Des aménagements des conditions de travail ont bien entendu eu lieu au cours des 50 dernières années, bien que l’aura de ces employeurs reste intacte dans les bassins industriels du Nord et de l’Est.
L’introduction en bourse des géants français de l’énergie aura à court terme un effet marqué sur ces entreprises : pour améliorer les marges opérationnelles, le premier poste de coût- la masse salariale- ne manquera pas de subir un coup de rabot. Ceci d’autant plu du fait que le parc actuel étant saturé, les activités de construction voire de maintenance se font à l’exportation, dans les marchés émergents, en ayant recours à leur main d’œuvre à bas prix.
D’un point de vue macroéconomique et libéral, ces employés ne peineront pas à retrouver un emploi auprès des nouvelles compagnies –Direct Energie, Poweo- et des chantiers en sol français entreprit par les énergéticiens européens. Il incombe toutefois à l’Etat d’accompagner la reconversion de ses salariés. Or il n’est mention nulle part d’une telle vision, bien que Henri Proglio entretienne de bonnes relations avec le chef de l’Etat…
« La chair à neutrons »
Surtout, les employés saisonniers du nucléaire doivent être protégés. Le roman d’Elisabeth Filhol, La Centrale, publié en 2010 a mis en lumière la grande précarité de ces quelques 22 000 intérimaires itinérants qui exposent leurs corps aux radiations pendant quelques semaines par an. Le rapport Roussely préconise qu’une charte des conditions de travail soit établie, et que toute entreprise intervenant sur le nucléaire soit agréée par les autorités de contrôle (ASN). Les intérimaires, peu ou pas syndiqués, doivent être défendus par l’Etat au premier chef. Il en va de la sécurité de chacun.
La formation et la protection des salariés est un pilier de la sûreté de tous
Si le choix du nucléaire n’est pas remis en cause en France, qui en tire plus de 80% de son électricité, des signaux forts appellent à repenser les impératifs de sûreté. Alors que la génération d’ingénieurs qui a conçu et construit les centrales de l’ère Pompidou s’apprête à partir à la retraite, le déficit de formation est criant. Les initiatives d’EDF ou d’Areva en terme de formation continue ne suffiront pas à garantir une maîtrise sans faille de la gestion du parc nucléaire.
Le fonctionnement en sous-effectif doit être évité à tout pris. Les avis de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) autant que les rapports divulgués par le réseau Sortir du Nucléaire sont autant de symptôme d’une gestion prise en étau entre le devoir d’excellence technique et les impératifs financiers de groupes côtés.
L’augmentation de la participation d’EDF dans Areva esquisse une meilleure coordination du nucléaire français à l’export comme pour ce qui a trait à la gestion du combustible et des déchets nucléaires. L’Etat doit garantir que la compétitivité du secteur à l’export n’éclipse pas le devoir de sûreté, avantage comparatif de l’industrie française et condition sine qua non du nucléaire.
Je partage le fait indiscutable que les compétences s’en vont, par les départ en retraite et aussi par la démotivation fortement généralisée du personnel exercant dans les centrales et les autres installations nucléaires. Je rajouterai juste qu’il n’y a pas que le roman « la centrale » qui met en lumière les travailleurs (d’ailleurs peu), mais aussi le documentaire d’Alain de Haleux, « Je suis décontamineur dans le nucléaire » de Claude Dubout, mais aussi l’action, la pensée de tous les gars sur le terrain, lors de rencontre, de manifestations, de mouvement, certains site internet : Danactu, Ma zone contrôlée… C’est un ensemble et un mouvement petit, grandissant mais inexorable.
Il faut persévérer chacun à sa manière, chacun à son rythme, chacun à sa façon…