Il reste six mois à la France pour transposer la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte. Ce qui leur apporterait une vraie protection, soulignent les auteurs de cette tribune, et renforcerait la démocratie face aux dégradations environnementales ou aux atteintes aux droits.
Les associations signataires de cette tribune militent pour la défense de l’environnement, de la santé ou des animaux depuis plus de quarante ans. Avec la Maison des lanceurs d’alerte, fondée en 2018 par dix-sept organisations, elles ont lancé un appel en faveur d’une loi française exigeante pour la protection des lanceurs d’alerte.
Le constat n’est plus à démontrer : l’environnement a besoin d’être remis au cœur du débat public, qu’il s’agisse des abeilles, de l’enfouissement des déchets nucléaires ou de l’utilisation du Roundup. Or, aux côtés de la timide et lacunaire loi Climat, un autre combat législatif important se joue actuellement : celui en faveur d’une loi qui garantisse écoute et soutien aux lanceurs et lanceuses d’alerte en ce qu’ils défendent l’intérêt général et le bien commun. Un enjeu crucial pour les problématiques d’environnement et de santé publique.
Car ces deux domaines, l’environnement et la santé publique, ont aujourd’hui bien du mal à être défendus : leur dégradation est inscrite dans les rouages mêmes de nos sociétés, par des lobbies puissants qui poursuivent un agenda incompatible avec les nouvelles exigences écologiques. En alertant sur les risques manifestes et les conséquences déjà désastreuses de pratiques délétères, nous, associations, bousculons des intérêts économiques et politiques qui ne manquent pas de contre-attaquer.
Dans ce combat, il y a des victimes : celles des pesticides, du Levothyrox ou les réfugiés climatiques. Des journalistes, comme Morgan Large ou Inès Léraud, qui sont menacées et intimidées pour avoir enquêté sur les dérives de l’industrie agroalimentaire. Des militants qui sont agressés jusque chez eux, abusivement poursuivis en justice, insultés, harcelés. Mais aussi des salariés qui voient leur vie professionnelle brisée parce qu’ils ont refusé de participer à des dégradations de l’environnement. Karim Ben Ali, par exemple, qui a révélé des déversements illégaux d’acide par ArcelorMittal dans le crassier de Marspich, en Moselle. Et, à ses côtés, tous ces lanceurs et lanceuses d’alerte qui prennent des risques pour nous informer, et qui se voient sanctionnés.
« Nous ne sommes pas suffisamment armés pour les défendre »
Si nous pouvons mener nos combats, c’est notamment parce que ces personnes engagées, soucieuses de l’intérêt général, signalent les abus dont elles sont témoins dans leur entreprise ou dans leur commune. Il s’agit, par exemple, de travailleurs du nucléaire qui portent à notre connaissance les pollutions que provoque cette industrie ou la dégradation des conditions de travail des salariés de la sous-traitance, qui a des conséquences directes sur le niveau de sécurité des installations. Il s’agit d’employés d’élevages, d’abattoirs, de laboratoires d’expérimentation animale, de cirques ou de delphinariums qui s’alarment des maltraitances que subissent les animaux. Il s’agit de riverains qui s’inquiètent de l’impact sur le monde sauvage de la déforestation ou de la chasse près de chez eux. Il s’agit de responsables financiers qui dénoncent les investissements destructeurs dans les énergies fossiles ou de pêcheurs qui témoignent des aberrations de la surpêche et de la pêche illégale.
Ces lanceurs et lanceuses d’alerte prennent des risques considérables pour notre intérêt à tous. Ils ne sont pas suffisamment entendus et nous ne sommes pas suffisamment armés pour les défendre. C’est pourquoi nous appelons à la création d’un fonds de soutien national et d’un réseau d’aide psychologique. Aujourd’hui, le lanceur d’alerte ne peut pas être poursuivi pour ses dénonciations, mais il peut l’être pour la manière dont il a obtenu les informations. Nous demandons qu’une immunité pénale lui soit accordée lorsque l’alerte est reconnue d’intérêt général. Et nous demandons que les sanctions contre les auteurs d’abus soient renforcées lorsqu’ils cherchent à le réduire au silence, et à ce que toutes les représailles qui le visent soient stoppées dès lors qu’elles sont connues.
« L’urgence climatique leur a donné raison et il n’est plus d’excuse pour ne pas les défendre. »
L’encadrement des risques sanitaires ou industriels reste trop faible en France, en raison du laxisme des pouvoirs publics et des instances de contrôle, comme l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le recours aux expertises scientifiques, quant à lui, est encore trop complexe. Nous exigeons que des autorités officiellement habilitées à traiter les alertes soient identifiées pour chaque secteur d’activité. Leur liste doit être accessible au grand public et une autorité indépendante unique doit être chargée de contrôler que des suites sont bel et bien données.
Parce qu’en tant qu’associations nous avons un rôle à jouer pour protéger les lanceurs d’alerte, nous demandons, enfin, des garanties pour les organisations qui leur donnent la force du collectif. En relayant leurs alertes, nous contribuons à ce qu’elles soient entendues. En les portant à leur place, nous préservons leur anonymat et leur évitons de s’exposer aux représailles. Ce rôle doit être reconnu, valorisé et renforcé : nous revendiquons un droit à protéger nos sources et à opposer le secret aux enquêtes qui s’attardent malheureusement moins sur les faits répréhensibles que sur ceux qui les dénoncent.
Il y a quarante ans, les lanceurs d’alerte écologique passaient pour des personnages farfelus que personne ne voulait entendre. Ces temps ont changé. L’urgence climatique leur a donné raison et il n’est plus d’excuse pour ne pas les défendre. Il reste six mois à la France pour transposer la directive européenne pour la protection des lanceurs d’alerte, qui comporte des avancées majeures par rapport au droit français actuel. La transposition d’une directive est un exercice de mise en œuvre politique autant que juridique, et nous tenons à ce que la France soit exemplaire en se dotant, dans les meilleurs délais, d’un standard de protection des lanceurs et lanceuses d’alerte parmi les plus exigeants. Aidez-nous à faire passer le message aux parlementaires en signant notre appel.
Les signataires :
L214 Éthique & Animaux
Attac France
One Voice
Association Ma zone contrôlée
Sciences citoyennes
Bloom
France Nature Environnement (FNE)
Institut Veblen
Foodwatch France
Réseau Sortir du nucléaire
Amis de la Terre France
Greenpeace France
Notre association vit principalement grâce aux forces vives que représentent ses adhérents et ses membres.La cotisation est un acte majeur de la vie associative,car elle est pour nous un moyen capital de mettre concrètement nos idées en pratique Don / Adhésion « helloasso »
n’est il pas plus pertinent d’envisager des sanctions dans des proportions et des délais cohérents ?
N’est il pas également judicieux de préciser qu’un lanceur d’alerte est un citoyen à part entière et qu’à ce titre il à des droits ! la question de citoyenneté se pose quant à ceux qui ferment les yeux et se tuent lorsqu’ils sont témoins de faits douteux et répréhensibles ?