FABIEN ROQUES EST DIRECTEUR À L’IHS CERA (CAMBRIDGE ENERGY RESEARCH ASSOCIATES)
La commission Roussely sur « l’avenir de la filière française du nucléaire » avait pour mandat d’identifier les grands enjeux du marché nucléaire mondial et de suggérer des pistes d’amélioration pour l’organisation de la filière française. La déception à la lecture du rapport de synthèse est à la mesure de l’attente qui a précédé sa publication. Les 15 propositions manquent singulièrement d’ambition et d’innovation, en particulier dans le domaine financier et économique.
Le rapport constate pourtant que « la compétitivité du nucléaire dépend fondamentalement des conditions de son financement » et note que « les investisseurs privés sont très réticents ». Mais aucune des 15 propositions ne porte sur ces questions économiques et financières pourtant fondamentales pour l’avenir de la filière.
Un des grands enjeux du nucléaire réside dans notre capacité à maîtriser les risques et surmonter les défis de financement de cette technologie qui nécessite de lourds investissements sur un horizon de temps long.
Or les risques spécifiques au nucléaire restent mal compris. Un effort d’ouverture et de transparence est essentiel pour abaisser les coûts de financement et améliorer la compétitivité du nucléaire. Une segmentation des différents risques liés à la construction et à l’exploitation d’une centrale nucléaire et des acteurs les mieux à même de les porter permettra de structurer les partenariats responsabilisant et faisant travailler ensemble les différents acteurs. Il faut aussi réfléchir à des montages financiers innovants entre fournisseurs, exploitant, industriels gros consommateurs d’électricité et secteur public permettant une juste répartition des risques. D’autres pays ont bien compris les enjeux de la gestion des risques et leur impact sur la structure de financement et la compétitivité du nucléaire. En Finlande, la participation d’acteurs publics et d’industriels locaux a permis de mettre en place une structure de financement sur le long terme rendant le nucléaire compétitif. Aux Etats-Unis, le budget 2011 prévoit d’étendre à 54 milliards de dollars les garanties de financement de dette pour les projets de nouvelles centrales nucléaires. Cela permet d’abaisser le coût de financement du nucléaire et de réduire les coûts de production de plus de 30 %.
Il faut enfin que la France retrouve un rôle moteur dans la lutte contre le changement climatique et les instruments économiques qui permettront de financer les larges investissements dans les technologies réduisant les émissions de CO2, au premier rang desquelles le nucléaire. Le Royaume-Uni s’apprête ainsi à garantir un prix minimal du carbone et à créer une « banque verte » qui coordonnera le financement et les partenariats public-privé pour les technologies non émettrices de CO2.
D’autres idées méritent d’être explorées, telles que la mise en place d’un « fonds vert » géré par exemple par la Caisse des Dépôts qui aurait pour mission de cofinancer certains projets pour les technologies réduisant les émissions de CO2 tels que le nucléaire.
Il est urgent d’associer banquiers et gérants de fonds d’investissement à la réflexion sur l’avenir de la filière nucléaire française. L’ouverture du capital d’Areva est une occasion à ne pas manquer de lancer une réflexion plus globale sur les modes de financement du nucléaire et des technologies propres en France.