Au delà de chercher des mensonges dans le projet de réforme des retraites, pourquoi ne pas invoquer l’inconventionnalité de cette réforme? Il ne s’agit pas d’illégalité à proprement parler mais l’effet est similaire.
Un justiciable peut invoquer l’exception d’inconventionnalité devant le juge contre un texte violant des dispositions de droit international ratifiées par la France. Il peut dès lors demander à ce que la règle inconventionnelle soit écartée et, en conséquence, ne lui soit pas appliquée. La réforme devient ainsi inapplicable et son inapplicabilité au cas par cas crée elle même une situation discriminatoire, contraire au droit de l’Union.
Comment établir l’inconventionnalité de la réforme des retraites ?
Cette réforme des retraites entraîne une régression des droits des assurés sociaux.
Les droits sociaux bénéficient du principe de « non régression » (« effet de standstill » visé par le commissaire au droit de l’homme a/s du droit au logement par exemple : « Toute régression en matière de droit au logement constituerait une violation des droits de l’homme« ).
Cet « effet de standstill » est consacré par l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (PIDESC), que la France a ratifié depuis le 4 novembre 1980. Elle lui reconnaît un effet direct. C’est-à-dire qu’un justiciable peut l’invoquer devant le juge et demander à ce que la règle inconventionnelle soit écartée, et donc non appliquée.
L’article 11 PIDESC consacre le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. En vertu de cet effet de standstill, toute autorité administrative ou législative ne peut pas adopter d’acte administratif ou législatif en retrait par rapport aux objectifs déclarés dans la convention internationale et en régression par rapport à l’état du droit.
Il appartient aux justiciables français de s’emparer de cet instrument plus souvent comme les y invitent les Nations Unies sur le site officiel du gouvernement français : « le Comité a regretté la rareté des décisions de justice faisant référence aux dispositions du Pacte, alors même que ce dernier est supposé avoir un effet direct en droit français. »
La réforme des retraites est donc contraire à l’article 11 PIDESC et le justiciable français voyant ses droits à la retraite ainsi diminués peut invoquer en justice l’inconvetionnalité de cette réforme et réclamer le respect des dispositions antérieures plus favorables.
Un protocole facultatif adopté le 10 décembre 2008 permet les recours individuel devant le Comite des Nations Unies à Genève, mais la France ne l’a pas signé et encore moins ratifié, privant ainsi les Français de la possibilité d’un tel recours.
Plus près de nous, la Charte sociale européenne est également intéressante à connaître.
Elle aussi, s’applique et peut être invoquée devant le juge nationale.
Le syndicats ont la possibilité d’élever des réclamations collectives en cas d’atteinte à un droit garanti par la Charte. Ils le font déjà.
La violation de l’effet de standstill en matière de droits sociaux peut donc être invoqué en France pour souligner l’irrégularité des réformes sociales en cours.
Le droit de l’Union prohibe la discrimination en matière de droits sociaux. Une réforme qui ne s’applique qu’à ceux qui n’élèvent pas le litige ne répond pas aux caractères d’une norme juridique, ceux d’être générale, abtraite et impersonnelle.
La réforme est donc ajuridique. Elle viole le droit en créant une régression en matière de protection sociale, prohibée par des dispositions contraignantes de droit international que la France s’est engagée à respecter.
Un tel problème mériterait d’être soulevé en amont plutôt qu’au cas par cas.
Cela éviterait une nouvelle mise en cause de la France par l’ONU – le Comité des droits économiques et sociaux à Genève – ou le Conseil de l’Europe – le Comité européen des droits sociaux à Strasbourg.
Des solutions alternatives existent pour financer les retraites, selon Jean Luc Mélenchon par exemple, qui éviterait à la France d’être mise en cause pour une nouvelle violation des droits de l’homme, car les droits économiques et sociaux sont des droits de l’homme.
Ne pourrait-on pas interviewer nos représentants syndicaux ou politiques et avoir leur opinion sur le sujet ? Comptent-ils évoquer ce point ? Sinon, pourquoi ?
A faire suivre