L’Autorité de Sûreté Nucléaire a signalé aux autorités judiciaires le harcèlement moral d’un salarié de la centrale nucléaire de Chooz. Cadre supérieur, Arnaud Bégin, dénonce une mise à l’écart injustifiée qui l’a conduit à deux tentatives de suicide. Il a saisi le Conseil des Prudhommes.
Marié, père d’une fille de 5 ans et d’un garçon de 22 ans, Arnaud Bégin est à bout. Depuis 20 ans, ce cadre supérieur occupe des postes à responsabilités à EDF, dans le Loiret, à Paris, à Cattenom. Mais depuis son arrivée à la centrale nucléaire de Chooz en tant que chef de service délégué à l’ingénierie en septembre 2018, il dénonce une mise à l’écart par sa hiérarchie, un traitement injuste qui l’ont conduit à deux tentatives de suicide.
Ses alertes en interne n’ont pas permis d’améliorer sa situation. Alors, en septembre 2020, il saisit le conseil des prudhommes de Charleville-Mézières pour harcèlement moral et discrimination. L’Autorité de Sureté Nucléaire, chargée de l’inspection du travail dans les centrales nucléaires, lui emboîte le pas et, après enquête, dénonce les faits à la justice en décembre 2020.
Un cadre sans cadre
Lorsqu’il prend ses nouvelles fonctions à la centrale nucléaire de Chooz en septembre 2018, le chef de service qu’Arnaud Bégin seconde est absent pour une longue durée. La direction ne le reçoit pas, ne lui donne pas de directive pour cadrer sa mission. Arnaud Bégin a 30 agents sous sa responsabilité et il ne reçoit pas de formation pour maîtriser, par exemple, les nouveaux outils qu’il découvre.
Partagé sur deux fonctions, sa charge de travail devient vite insurmontable. Lorsque le chef de service reprend ses fonctions, la situation empire car s’ajoutent les brimades. « Un matin, un directeur délégué m’engueule parce que je n’ai pas assisté à une réunion alors que mon chef de service me demandait d’être présent à une autre réunion« , se souvient-il.
Les missions qu’on lui assigne sont irréalisables car il ne dispose pas des habilitations qui lui permettent notamment de signer des notes de service ou d’accompagner ses agents dans les zones sensibles du site nucléaire. « Même les habilitations de base qu’on donne même au tertiaire et que tout le monde a sur le site« , s’indigne le cadre.
Carrière freinée
On lui refuse des astreintes et un reclassement hiérarchique à un échelon supérieur auquel les accords d’entreprise lui donnent pourtant droit. Ses primes sont drastiquement diminuées. La direction s’appuie sur un entretien individuel qui pour Arnaud Bégin, n’a jamais eu lieu. « J’étais en arrêt de travail à cette date !« , s’indigne-t-il.
C’est un peu de la torture chinoise, quand on fait tomber des gouttes d’eau une à une. Toutes les semaines, il y a un nouveau truc – Arnaud Bégin
Arnaud Bégin finit par lancer l’alerte en interne. En octobre 2019, il appelle le numéro EDF « vie au travail », contacte le responsable des ressources humaines. Le 3 novembre 2019, un agent de son service porte plainte contre lui pour harcèlement sexuel. La plainte sera rapidement classée sans suite. Dès le 6 novembre 2019, sa direction le change de poste. Une nouvelle affectation qui au lieu de le protéger, l’isole davantage.
Mise à l’écart et tentatives de suicide
Dans son nouveau bureau, il n’a pas de téléphone, pas de stylo, pas de badge d’accès, pas de lettre de mission. À chaque fois qu’il doit se déplacer sur le site, il doit être accompagné, notamment par le chef de service à l’origine de son mal-être. Le 18 novembre 2019, Arnaud Bégin tente de mettre fin à ses jours.
On a une mise au placard qu’EDF présente comme une protection – Florian Auberson, avocat d’Arnaud Bégin
Deux jours après, le 20 novembre, l’employeur semble réagir. Une enquête est diligentée par EDF et confiée à un cabinet qui ne rendra jamais de conclusions écrites.
Lorsqu’Arnaud Bégin reprend le travail en mai 2020, rien ne change. Alors qu’il est en télétravail, on le retire des listes de diffusion de mails. On ne lui assigne pas de mission. Une nouvelle fois, Arnaud Bégin tente de mettre fin à ses jours.
L’ASN intervient
Alertée, l’Autorité de Sûreté nucléaire (ASN) se déplace à Chooz pour une mission d’inspection du travail le 8 juillet 2020. Dans son courrier adressé dès le lendemain au directeur de la centrale nucléaire de Chooz, l’inspectrice du travail souligne que « cette situation (…) ne peut perdurer« , qu’ « une solution doit absolument être trouvée rapidement » et invite EDF à « étudier des solutions de reclassement digne« .
Pas de réponse d’EDF. Contacté par nos soins, le groupe souligne que le cabinet mandaté suite à l’alerte lancée par le salarié a conclu qu’il n’y avait pas de harcèlement moral.
EDF affiche un objectif de zéro cas de harcèlement dans l’entreprise ! La seule façon de le réaliser, c’est qu’on les étouffe ! Pour moi, on est dans un cas France Télécom – Arnaud Bégin
Il faudra attendre le mois de décembre et le signalement des faits au procureur de la République de Charleville-Mézières par l’Autorité de Sûreté nucléaire pour qu’une proposition de reclassement soit faite : un poste sans responsabilité managériale, sans lien avec la sûreté nucléaire et sur un autre site, ce qui éloignerait Arnaud Bégin de son épouse, salariée de la centrale de Chooz. Arnaud Bégin, qui considère cette offre comme une nouvelle punition, compte décliner la proposition.
En septembre 2020, Arnaud Bégin saisit le Conseil des Prudhommes de Charleville-Mézières. Une première réunion de conciliation se tient en octobre 2020. Les échanges entre les parties peuvent se poursuivre jusqu’au 23 juin 2021. Si aucun accord n’est trouvé à cette date, l’affaire pourrait être renvoyée en jugement.
Source : La justice saisie d’un cas de harcèlement moral à la centrale nucléaire de Chooz
Notre association vit principalement grâce aux forces vives que représentent ses adhérents et ses membres.La cotisation est un acte majeur de la vie associative,car elle est pour nous un moyen capital de mettre concrètement nos idées en pratique Don / Adhésion « helloasso »
ou seulement d’un cas
2 et c’était le caca