Elle est un peu comme le Moloch de la Bible. Ou comme l’usine divinisée du Metropolis de Fritz Lang qui dévore ses ouvriers.
Un dieu et un monstre à la fois, sans affect, énorme et froid, imperturbable, « impénétrable, indestructible ».
Un corps de béton gris dans lequel sommeille « une énergie colossale, contenue, tout est là, dans un confinement qui ne demande qu’à être rompu pour donner toute sa mesure ».
Elle, c’est « la centrale » – entendez, plus précisément, centrale nucléaire, et même CNPE, Centre nucléaire de production d’électricité -, non seulement décor, mais objet, voire sujet, de ce premier roman remarquable. Pleinement ancré dans le monde contemporain. D’une construction faussement simple – de fait, très savamment architecturée, disloquant notamment la chronologie de façon troublante. D’un bout à l’autre fermement conduit par Elisabeth Filhol, dont la phrase élastique, volontiers longue et jalonnée d’incises dès lors qu’elle s’emploie à patiemment et rigoureusement exposer ou décrire – un paysage naturel ou industriel, une situation, un rêve -, sait aussi se faire courte et nerveuse lorsqu’il s’agit d’épouser les pensées, les désarrois, l’anxiété ou l’effroi de ses personnages.
suite article : http://www.telerama.fr/livres/la-centrale,51128.php