Dans le Journal Officiel publié au lendemain des joutes d’entre deux tours, un décret annonce la diminution du contrôle du gouvernement sur deux des entreprises les plus stratégiques de France : AREVA et ORANO.
Source : Jean Castex réduit le contrôle du gouvernement sur AREVA | Pragma Media
Les faits :
Suppression de l’article 6 du décret relatif au contrôle de l’État sur AREVA et ORANO
Il autorisait les ministres de l’économie et de l’industrie à décider des participations financières et des décisions économiques en lien avec AREVA et ORANO. Le décret n°2022-577 en abroge une partie du contenu.
Quelles conséquences sur le contrôle de la filière nucléaire ? Les textes législatifs conservent plusieurs sécurités (décret n°83-1116). L’État, ou le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, ainsi que EDF sont tenus de conserver plus de la moitié du capital des sociétés AREVA et Orano. Ce mille feuille permet d’assurer le contrôle économique et financier de l’État sur les décisions du secteur nucléaire, même avec l’abrogation publiée ce 21 avril.
C’est la modalité de ce contrôle qui est modifiée. L’État se met en action à travers des fonctions spécifiques et des mécanismes qui peuvent privilégier soit le gouvernement, le parlement ou les hauts fonctionnaires. Pour la surveillance économique du nucléaire, deux entités avaient un pouvoir de contrôle sur les décisions financières et économiques d’AREVA et d’ORANO : Les ministres précédemment cités, qui viennent de perdre cette prérogative. Et le commissaire du gouvernement.
Qui est t’il ? Il s’agit du directeur général de l’énergie et du climat (DGEC), actuellement Laurent Michel, ingénieur général des mines. Cette nomination est faite par décret présidentiel.
Le changement semble au premier abord assez infime mais il est bien présent. Les ministres ne peuvent plus interférer avec la décision du directeur de la DGEC. Si ce dernier reste nommé par le président, il a l’obligation de rendre des comptes devant le reste de la Direction Générale de l’Energie et du Climat, ainsi que de ses partenaires. Là où un ministre pouvait prendre une décision unilatérale, sans la justifier en amont.
Plusieurs administrations françaises peuvent demander l’audition du directeur de la DGEC en vue de confronter ses prises de décision avec les missions et intérêts du secteur énergétique français. Si bien qu’il lui est difficile de trancher sans réalisé des consultations préalables. Le secteur associatif est aussi en capacité de convoquer la DGEC. On peut donc parler d’un dispositif de contrôle du nucléaire qui passe d’une coopération entre haut fonctionnaire et gouvernement, vers un dispositif avantageant les hauts fonctionnaires.
Le contexte :
Avec la restructuration d’AREVA, le nucléaire français sort de la cotation boursière
En 2012 les difficultés autour des projets d’EPR, la catastrophe de Fukushima et plusieurs scandales de corruption font chuter les actions d’AREVA en bourse. En juillet 2017 les pouvoirs publics investissent 5 milliards d’euros dans le capital du groupe, pour compenser une malgestion dénoncée par Bruno Le Maire. A la fin de l’année, l’État devient actionnaire majoritaire d’AREVA avec 98% du capital du groupe et retire peu après la structure de la cotation en bourse. Ainsi les pouvoirs publics ont pris en charge le maintien d’une structure stratégique pour le nucléaire française, mais aussi pour le secteur médical et militaire.
En 2021 face à une volonté d’ORANO de rejoindre la bourse et de recommencer l’erreur de sa maison mère, une série d’achats d’actions par l’État propulse ce dernier à 80% du capital. L’opération reprend la totalité des actions possédées par AREVA SA dans sa filiale et est décrite comme une nécessité pour accomplir le projet d’EPR d’Olkiluoto, en Finlande.
Après la restructuration du groupe l’activité minière est concentrée dans les mains d’ORANO (ndlr : New AREVA en 2017) et l’activité des réacteurs nucléaires dans New NP, détenue majoritairement par EDF.
Les enjeux :
L’indépendance stratégique française face à la corruption russe :
D’après les investissements et réorganisations par le gouvernement Macron, il semblerait que l’indépendance de la filière nucléaire vis à vis des marchés financiers et des acteurs étrangers a été privilégiée. Un choix qui contraste radicalement avec la privatisation et la vulnérabilité imposées à d’autres secteurs économiques. Loin d’incarner un changement de cap dans l’idéologie d’Emmanuel Macron, il s’agit d’une composante du libéralisme qui cantonne la maitrise de l’état sur l’économie, aux secteurs que le gouvernement considère stratégique.
La réforme des modalités de contrôle qui transfère les plein pouvoirs du gouvernement vers le mile feuille de la haute administration est une décision difficilement compréhensible autrement que comme la prise en compte par le gouvernement, d’un risque d’élection de Marine Le Pen ce 24 avril 2022.
La candidate RN a plusieurs fois indiqué son désir de transformer la politique énergétique de la France et possède des liens d’intérêts avec la Russie. Plusieurs pays européens ont récemment détecté des trahisons de membre de leur gouvernement et parti, au profit des intérêts russes. Il est de plus en plus admis que Vladimir Poutine ne s’est pas contenté d’influencer des électeurs par le financement de certains médias et la persistance des usines à troll sur son territoire. Mais qu’il investi aussi dans le personnel politique européen afin d’orienter les décisions de gouvernement étranger dans son intérêt. En Allemagne les accusations de compromission avec Vladimir Poutine se sont multipliées contre la gouvernance Merkel et Scholz.
Manuela Schwesig, membre du SPD et présidente de région, est accusée début avril par le journal allemand Die Welt, de corruption au profit des intérêts russes. En cause une série de courriers consultés par le journal qui démontreraient la création par la politicienne allemande, d’une ONG environnementale orientée vers le lobbying en faveur de Nord Stream2. Le journal décrit un système visant à placer du personnel de Nord Stream 2 dans l’ONG.
Au Royaume-Uni de nombreux médias dénoncent la normalisation de la corruption russe et dévoile les liens entre personnalités britanniques et oligarques russes. De plus un rapport des parlementaires britanniques liés au Renseignement alertait en Juillet 2020 sur la nécessité de lancer une enquête autour de l’ingérence russe dans les élections de 2016 : « Jusqu’à récemment, le gouvernement a sérieusement sous-estimé la réponse à apporter à la menace russe – et a encore du mal à le faire », relève le rapport. « Il aurait dû y avoir une évaluation des interférences russes dans le référendum. Il doit y en avoir une et les résultats de cette évaluation doivent être portées à la connaissance du public ».
Cette ingérence russe a donc d’une part contribué à l’orientation de la politique énergétique de l’Allemagne vers une dépendance envers la Russie. Et soulève l’hypothèse d’une ingérence russe dans le referendum du BREXIT occasionnant un affaiblissement de l’UE. Il est donc à redouter que l’élection de Marine Le Pen puisse défaire la restructuration de la filière nucléaire française pour introduire les intérêts de la Russie au détriment de l’intérêt national. C’est peut-être dans cette optique que le gouvernement vient de compliquer les possibilités du futur président d’interférer dans les décisions d’AREVA et d’ORANO pour laisser le contrôle à la haute fonction publique, à sa complexité et ses luttes intestines, qui la rendent de fait difficile à maitriser.
Bibliographie et sources :
– Décret n°2022-577 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045614640
– Décret n°83-1116 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000884582/
– Le sauvetage d’AREVA en 2017 : https://www.lesechos.fr/2017/07/letat-lance-la-recapitalisation-qui-va-sauver-areva-176029
– L’acquisition du capital d’ORANO en 2021 : https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/orano-l-etat-rachete-l-ensemble-de-la-participation-d-areva-893091.html
– Le 21 aout 2017, AREVA quitte la bourse : https://www.lerevenu.com/bourse/valeurs-en-vue/areva-et-la-bourse-cest-fin
– Organigramme de la DGEC : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/organigramme-dgec_22_03_21.pdf
– Manuela Schwesig accusée de corruption : https://www.thetimes.co.uk/article/german-state-leader-manuela-schwesig-colluded-with-russians-on-gas-pipeline-m0hgn70l9?fbclid=IwAR1nGBO6-0WBo47VKFuI2ej13jxxbK0IaLJ9KjTBrwxACWhIAcTvsvUXW2U
– La commission Renseignement du Parlement britannique demande une enquête sur l’ingérence russe au Royaume-Uni : https://www.lepoint.fr/monde/royaume-uni-les-parlementaires-demandent-une-enquete-sur-l-ingerence-russe-21-07-2020-2385024_24.php
Source : Jean Castex réduit le contrôle du gouvernement sur AREVA | Pragma Media
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