En abrogeant le régime des gardes à vue de droit commun, le Conseil constitutionnel est devenu à plusieurs égards aussi puissant que le Parlement ou le président de la République. Symbole majeur de cette prise de pouvoir : la juridiction suprême dicte l’agenda politique du gouvernement.
Avec la refonte de la Constitution votée en juillet 2008, le nouveau mécanisme de « question prioritaire de constitutionnalité » entré en vigueur en mars permet au Conseil constitutionnel, traditionnellement chargé du contrôle des lois juste après leur adoption par le Parlement, de procéder désormais à ce contrôle sur demande des justiciables.
Cette révolution silencieuse vient de faire sa première grande victime : rien de moins que la quasi-totalité du système français de la garde à vue.
Manifestement, le Conseil a voulu frapper un grand coup
On sentait depuis mars que le nouveau système était porteur de grands changements : peu pourtant avaient imaginé que le Conseil pourrait aller si vite et si loin. Manifestement, il a voulu frapper un grand coup, et il faut reconnaître que la garde à vue, de plus en plus contestée (à juste titre), fournissait un terrain de choix.
Mais derrière cette décision, largement soutenue par les associations de défense des droits de l’homme et les avocats, on est en droit de se demander dans quelle mesure le Conseil n’a pas largement dépassé sa mission.
Qu’a dit en substance le Conseil dans sa décision rendue le 30 juillet ? Que le système qui encadre la garde à vue est bourré de défauts, accentués au gré des diverses réformes qui se sont accumulées depuis vingt ans et ont contribué à faire de la garde à vue un événement presque courant.
La rupture est également dans le ton. Il faut lire les leçons que le Conseil tire de ces modifications successives pour se rendre compte du ton à vrai dire complètement nouveau, et même quasiment politique, utilisé par la juridiction suprême, pourtant si habituée aux formules de velours :
« […] Ces évolutions ont contribué à banaliser le recours à la garde à vue, y compris pour des infractions mineures ; qu’elles ont renforcé l’importance de la phase d’enquête policière […] ; que plus de 790 000 mesures de garde à vue ont été décidées en 2009. »
On a presque l’impression de lire un rapport d’Amnesty international.
Le Conseil peut réécrire des pans entiers de notre droit
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