La question du nucléaire civil en France ne se discute pas ou presque. Le secteur atomique français est une sorte d’Etat dans l’Etat, aux frontières de la démocratie. Choix technologique qui engage pourtant les français sur des centaines de générations, initié par la droite, réalisé par la gauche, le développement du nucléaire civil a été élevé au rang de politique régalienne. Ça dure depuis des décennies et ce n’est pas prêt de changer, si l’on en croit ce que propose le rapport Roussely.
Pour mettre en perspective politique ce rapport sur « l’avenir de la filière française du nucléaire civil », remarquons en liminaire que ce rapport est resté classé secret défense des semaines.
C’est au cœur de l’été, le 27 juillet 2010, que l’Elysée a rendu publique la synthèse du rapport Roussely mise en ligne sur le site internet du Château ! L’ancien président d’EDF avait été missionné par Nicolas Sarkozy.
C’est à lui qu’il a rendu compte avec un rapport mis au secret depuis. C’est l’Elysée qui a la haute main sur ce dossier, en termes décisionnels et de communication. On ne va tout de même pas décider de la politique énergétique française au sein du ministère de l’Environnement (et de l’Energie), encore moins à Matignon, ce serait trop trivial..
Quand on connaît le commanditaire, il plus aisé de comprendre les recommandations de l’auteur, qui épousent les attentes de l’omniprésident. Comme il en va de la crédibilité – et de la pérennité – du secteur français, le brave Nicolas est fait grand mécanicien du secteur nucléaire civil, avec son pote Henri Proglio comme capitaine de l’équipe atomique française.
Arrêtons-nous sur les recommandations du rapport Roussely et faisons quelques interprétations :
EDF est désigné tête de pont à l’international pour organiser l’offre nucléaire française à l’export. La charmante Anne Lauvergeon, patronne d’Areva, sauve son groupe du démantèlement mais sans doute pas sa tête à l’issue de son mandat. Notons qu’on ne refonde pas des relations stratégiques entre EDF et AREVA, avec deux patrons aux rapports exécrables. Aussi, Proglio capitaine du nuc.fr, Lauvergeon s’en ira en 2011, CQFD ;-). EDF devrait d’ailleurs épauler Areva pour « sécuriser » l’importation d’uranium, avec des projets miniers à engager (et à financer) en amont de la filière. La mise à l’écart de GDF Suez des intérêts français du nucléaire, au profit quasi exclusif d’EDF, sera à analyser dans la durée.