L’Humanité traverse une crise sans précédent, qui revêt trois aspects étroitement interdépendants :
1) Crise énergétique et climatique : le réchauffement planétaire lié à la consommation accélérée de ressources énergétiques qui d’ailleurs sont en train de s’épuiser ;
2) Crise économique : la course à la croissance effrénée d’un système libéral basé sur la consommation et le profit immédiats ;
3) Crise morale et sociale : l’altération du sens de l’existence individuelle, condamnée au repli sur soi en l’absence de projet d’avenir collectif réaliste.
C’est ce dernier aspect que je vais évoquer : pour quelles raisons l’individualisme contemporain est en crise ; en quoi la psychiatrie ne parvient plus à répondre à cette dégradation de la santé mentale dont les causes complexes sont environnementales ; comment seule une refondation sociale et politique des conditions écologiques de notre santé peut sortir l’être humain, individuellement et collectivement, de cette impasse historique.
De nombreux philosophes et sociologues contemporains ont montré comment le nouvel individualisme est culturellement et historiquement déterminé.
Ce processus complexe et paradoxal est celui d’un repli sur soi hédoniste de l’individu, amené à surinvestir son corps et sa vie imaginaire, et à accomplir de façon illusoire ses désirs immédiats : valorisation de la performance, techniques de « développement personnel », communication instantanée et virtuelle permise par les « nouvelles technologies », mise à disposition de biens de consommation toujours plus nombreux et attirants…
A cela plusieurs raisons :
L’atomisation du lien social, liée à la précarisation d’un monde du travail concurrentiel centré autour du profit immédiat des actionnaires privés, poussant l’individu à une adaptabilité mouvante et dépersonnalisante ;
L’influence des médias et de la publicité, qui imposent des modèles d’identification artificiels faisant miroiter à longueur de temps l’accessibilité d’un bonheur immédiat et avide ;
Le brouillage des repères symboliques traditionnels avec l’éclatement de la cellule familiale et la disqualification de l’autorité paternelle, qui représentait symboliquement une instance extérieure immuable, l’interdit de la possession, la réalité du manque... ;
L’influence hygiéniste des discours psychologiques et médicaux, à travers une « culture du psychologisme » (et de la culpabilité…) généralisée qui donne à cet idéal de soi narcissique l’apparence de la normalité psychique et sociale ;
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