Les salariés de la sous-traitance dans le secteur du nucléaire appellent à une grève ce mercredi 18 septembre. Une « journée inédite pour le nucléaire français » assure Gilles Reynaud. Pour ce syndicaliste, si ces travailleurs ne sont pas mieux protégés, « il va y avoir des drames ».
Gilles Reynaud, 33 ans de métier dans la filière, est représentant du syndicat Sud Énergie et président du collectif Ma Zone contrôlée, un collectif de salariés militants sous-traitants de l’industrie nucléaire française.
EDF a en en effet externalisé une grande partie des activités nucléaires. Les sous-traitants gèrent ainsi aujourd’hui 80 % de la maintenance du parc en France.
Alors qu’une mobilisation inédite des travailleurs sous-traitants, réunis en intersyndicale, a lieu ce mercredi 18 septembre, Gilles Reynaud répond aux questions de Reporterre.
Reporterre — Dans quelles conditions travaillent les sous-traitants du nucléaire ?
Gilles Reynaud — Il y a de plus en plus de gens qui craquent, qui sont victimes de burnout ou qui démissionnent pour aller gagner leur vie dans un autre secteur. Quand quelqu’un a des compétences et que l’entreprise lui avoue que, pour garantir sa compétitivité, les perspectives d’évolution sont très limitées… ça décourage. Le meilleur exemple de la sous-traitance en ce moment, c’est le démantèlement. Celui d’installations militaires ou de vieux laboratoires Orano [anciennement Areva]. Les salariés sont confrontés à des risques très importants, ils sont exposés à des produits chimiques, à de l’amiante, à des déchets radioactifs ou à des composés CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques). Tout ça n’est pas pris en compte au titre de la pénibilité. On a juste une « prime d’incommodité » de quatre euros parce qu’on porte un masque sur le visage, mais on n’a aucune reconnaissance de cette exposition sur le temps long. Si un collègue est irradié et/ou contaminé interne, ce n’est pas le lendemain que va se déclarer sa pathologie lourde, mais dans 10 ou 15 ans.
Quant à la réforme des retraites à 64 ans, on se dit que dans ces conditions, on sera morts bien avant sur notre lieu de travail !
Parmi vos revendications, il y a la création d’une convention collective commune. Pourquoi ?
Ça changerait la vie des travailleurs sous-traitants ! Avoir un statut EDF, ça veut dire un travail garanti, des possibilités d’évolution dans notre branche et une reconnaissance de notre expertise.
Vous connaissez les tarifs préférentiels des salariés EDF pour le courant électrique, les vacances, les enfants ? Nous n’avons rien de tout ça dans les entreprises sous-traitantes puisque ce sont souvent des petites structures, il n’y a pas de comité d’entreprise. L’article 4 de l’accord d’entreprise sur les industries énergétiques et gazières (IEG) précise pourtant que dès qu’un salarié d’une entreprise extérieure est permanent sur un site nucléaire EDF, il doit bénéficier des mêmes avantages qu’un agent EDF. Pourquoi cet article n’est-il pas appliqué ?
On peut être en CDI [contrat à durée indéterminée] mais dans la mesure où l’on est soumis aux appels d’offre, on peut aussi changer souvent d’entreprise et de convention collective et les acquis que nous avons ne sont pas garantis. La plupart du temps, quand une entreprise sous-traitante reprend une activité, elle n’a qu’un objectif : réduire ses coûts. Donc on perd en qualité de service et en sûreté nucléaire.
Comment renforcer la sûreté du parc nucléaire français ?
Si on ne revient pas à un système de protection plus juste et plus humain, il va y avoir des drames. Nous voulons une convention collective avec une grille de salaires unique. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Notre travail n’est pas reconnu. Il est pourtant très précis.
Aujourd’hui, quand des sous-traitants se rendent compte d’une anomalie, il n’y a plus de salariés EDF pour les soutenir, ils ne savent pas comment nous appuyer. Les sous-traitants gèrent aujourd’hui 80 % de la maintenance du parc en France. En plus, on envoie à chaque fois des primo-intervenants, non expérimentés, toujours dans cette logique low cost, et alors la sécurité se dégrade. Après 40 ans d’exploitation du parc nucléaire et tous les retours d’expérience, on devrait pouvoir tout réaliser correctement du premier coup, en s’appuyant sur des travailleurs expérimentés. Sinon, sur des situations difficiles, on va avoir des déconvenues. C’est inévitable avec 58 réacteurs en France.
Avez-vous des soutiens à l’échelle de l’État pour relayer ces alertes ?
Seuls les politiques peuvent faire bouger ces lignes. Je suis allé à l’Assemblée nationale l’année dernière dans le cadre de la commission d’enquête sur la sureté et la sécurité des installations nucléaires en France.
J’étais invité en tant que président de Ma zone contrôlée et Barbara Pompili, rapporteuse de cette commission a pris en compte mes remarques dans son rapport et alerté sur les défaillances du système nucléaire français lié au système de la sous-traitance.
La semaine dernière encore sur Twitter, elle a rappelé qu’il fallait se pencher sur cette question après qu’EDF a annoncé que cinq de ses réacteurs étaient menacés d’arrêt. Le dumping social et la fraude des patrons qui dissimulent les accidents de travail constituent des facteurs de risque.
Il arrive que des accidents du travail soient dissimulés ?
Pour attribuer un marché à une entreprise, on regarde plusieurs critères dont les résultats de sécurité. S’il y a trop d’accidents de salariés référencés pour une seule entreprise, celle-ci n’obtient pas le marché. Or, dans la mesure où tout le monde est au courant de cette règle, les entreprises s’adaptent et font souvent en sorte de ne pas déclarer les accidents de travail. Les chefs vont voir le salarié, lui proposent un poste aménagé ou bien de rester chez lui. Ils continuent à le payer, et ne déclarent pas l’accident. Si le collègue subit une rechute quelques années plus tard, aucune trace de son accident précédent. Il a été camouflé. J’ai été sanctionné et mis à pied cinq jours par mon entreprise au retour de la commission Pompili à cause de ces déclarations. Je suis actuellement en procédure avec elle sur ce sujet.
Les salariés ont tellement peur des sanctions aujourd’hui qu’ils ne déclarent pas certains incidents. À l’entrée des installations nucléaires, on a des appareils de contrôle qui doivent s’assurer que l’homme ou la femme qui sort de la zone n’est pas contaminé. Ces appareils, ce sont les garants de la sûreté nucléaire, de la radioprotection. Aujourd’hui, si un salarié déclenche un portique en sortant, on le sanctionne, on lui dit que c’est de sa faute. On va parfois jusqu’à le licencier. Les salariés ont peur quand ils arrivent sur ces portiques. Certains s’arrangent pour détourner ce contrôle, de peur des sanctions. C’est dévastateur.
Fleuves en décrue, centrales en surchauffe à cause de la sécheresse… Comment appréhendez-vous les risques liés au réchauffement climatique ?
Le réchauffement climatique, la baisse des nappes phréatiques, doivent nous interroger : nous avons un besoin vital d’eau pour refroidir les réacteurs. Si les fleuves commencent à s’assécher, c’est très préoccupant.
Les copains me disent souvent : « Tu vas nous mettre au chômage en alertant sur tous ces risques. » Mais la mobilisation du 18 septembre attend des réponses immédiates fortes. On peut y arriver ! Cette journée est inédite pour le nucléaire français : des salariés répartis sur huit sites sont mobilisés. On aurait aimé que tout le parc EDF le soit, mais c’est vraiment sur les arrêts de tranche, c’est-à-dire sur les opérations de maintenance que l’on peut agir : un jour de retard, c’est un million de coût supplémentaire pour EDF. On travaille à la seconde près pour optimiser le parc. Nous, les sous-traitants, devons profiter de ces phases stratégiques pour alerter tout le monde. Mes collègues — car leur travail est nécessaire et fondamental pour la gestion du parc nucléaire, sa sûreté et la sécurité du pays — mais aussi la population et les politiques. J’aimerais affirmer que tout ce qui se passe dans l’ensemble du parc nucléaire aujourd’hui se passe dans les règles. Je ne le peux pas. Si on n’évoque pas ces problèmes maintenant, ce sera trop tard.
- Propos recueillis par Louison Moreuil
Source : Les travailleurs sous-traitants du nucléaire en grève car « la sécurité se dégrade »
à rouen ils ont pas la potion magique alors que près des centrales atomiques, eh ben ils ont trop de la chance ils ont le remède ? ou plutôt l’iode (sorte de vaccin antiatomique sans aiguille ;)) !
à quand l’iode parfumée et pétillante façon bombons ? (vous en rêviez, le concept sera peut être bientôt proposé … eh oui les enfants récalcitrants pourraient être finalement ravis de se délecter de ce petit comprimé … et pour les animaux domestiques, il pourrait être également proposé sur le marché des comprimés façons croquettes … ils ont pas de thyroides ou quoi ?)