PARIS – La production nucléaire reste perturbée depuis six semaines par un conflit sur les salaires et l’embauche de prestataires extérieurs surnommés les « nomades du nucléaire », qui amène EDF à réquisitionner les grévistes, certains syndicats craignant pour la sécurité.
Depuis le 9 avril, de petites équipes freinent le rechargement du combustible ou la maintenance, sur 11 des 19 sites nucléaires français, infligeant des pertes de production qui pourraient avoisiner 250 millions d’euros, selon des estimations internes, soit 1,8% du bénéfice brut 2008.
Par ailleurs, en cas de canicule, la forte consommation électrique des climatiseurs obligerait EDF à importer 6.000 mégawatts, s’il les trouve sur le marché, a calculé Réseau de transport d’électricité (RTE).
RTE évalue la probabilité de ce « scénario extrême » a un pour mille, mais révèle aussi que le stock des barrages hydrauliques a fondu de 10% en un an. Privé de ce « joker », EDF souhaite prévenir tout risque de pénurie d’électricité durant l’été.
« Nous ne constatons aucun refus de la réquisition. Les agents se déclarent toujours grévistes, mais reprennent le travail », a déclaré EDF jeudi à l’AFP. La CGT étudie de son côté la parade juridique à ce qu’elle perçoit comme une « attaque frontale » contre le droit de grève.
Au coeur du conflit, les salaires des 18.000 agents du nucléaire (CGT, Sud et FO réclament +5%), travaillant pour partie en 3X8, et l’intégration des 10.000 salariés des entreprises sous-traitantes, réclamée par les syndicats.
La conduite de réacteur « nécessite des compétences particulières en terme de formation, de suivi, d’habilitation, on aimerait plus de reconnaissance salariale et pas juste sous forme de prime », a déclaré Sébastien Menesplier, de la CGT-nucléaire (58% aux élections professionnelles).
Par ailleurs, « 80% de la maintenance est maintenant sous-traitée. Cette grève vise à défendre la sécurité », a affirmé Anne Debregeas, de Sud Energie.
Pour syndiquer ces salariés, souvent jeunes, la CGT créé « des syndicats multiprofessionnels de site ».
« Dans la centrale où j’ai travaillé quinze ans, les prestataires sont aussi nombreux que les agents EDF. On les appelle +les nomades du nucléaire+. Certains dorment dans des caravanes, ou leurs voitures, et partent travailler le lendemain à plus de 500 kilomètres », dénonce Sébastien Menesplier.
« Il n’y a jamais eu d’incidents dangereux depuis la construction du parc nucléaire » grâce aux « prérogatives de sécurité, mais on ne gère plus les centrales comme avant, depuis l’ouverture du capital », s’inquiète-t-il.
EDF « fait le maximum pour contenter ses actionnaires », renchérit Michel Bender, de la CFDT-Cattenom (Moselle), selon lequel les salariés « pressés », se « donnent à fond mais n’obtiennent rien en retour » et « sont dégoûtés », avec une recrudescence de dépressions et d’arrêts maladies.
La réquisition n’arrangera pas les choses: les salariés « vont y aller à contrecoeur », déplore-t-il.
Dernièrement, la tranche 1 de Cattenom –toujours arrêtée– a subi des travaux de maintenance. « Une vérification devait être effectuée « dans les boîtes à eau de génération de vapeur » connectées au réacteur mais « avec la grève, la personne a fait ça depuis son bureau, juste en signant un papier », affirme le syndicaliste.
« Nous avons averti l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN), nous l’avons signalé lors d’un CHSCT extraordinaire, mais l’ASN a avalisé » l’opération, déplore-t-il, dénonçant « un manquement à la qualité de la sûreté ».
(©AFP / 18 juin 2009 17h57)
http://www.romandie.com/infos/news2/090618155758.z489zkin.asp