Dans une note adressée à la mission Lecocq, chargée d’évaluer le système de prévention des risques professionnels, la CGT propose de rattacher les services de santé au travail à la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la Sécurité sociale.
Et si cette fois, c’était la bonne ? Et si on pouvait vraiment réformer la médecine du travail ? La CGT veut y croire. La centrale syndicale de Montreuil est persuadée que la mission confiée à Charlotte Lecocq, députée LREM de la sixième circonscription du Nord, par le Premier ministre, ainsi que par les ministres du Travail et de la Santé, afin d’évaluer, améliorer et rationaliser le système de prévention des risques professionnels, peut déboucher sur « la » réforme d’ampleur des services de santé au travail interentreprises (SSTI) qu’elle appelle de ses vœux depuis longtemps.
Une logique de santé publique
L’organisation syndicale a donc pris les devants. Sans attendre d’être reçue, début avril, par la mission Lecocq, elle lui a adressé une note détaillant sa position pour « régénérer un système qui a failli, dont les tenants résistent par paresse ou par intérêt ». C’est un document de six pages, intitulé « Il faut terminer le travail », que Santé & Travail a pu consulter. Il dresse un constat sévère concernant des carences dans l’organisation et le fonctionnement des services de santé au travail. Pour la CGT, si leurs missions sont aujourd’hui parfaitement bien définies par la loi, « c’est le contenu de leur action, la faiblesse de leur coordination, l’incapacité culturelle ou le refus “ intéressé ” de se situer dans une logique et une perspective de santé publique qui continuent à peser sur leur efficacité, et tant que l’on tournera en rond autour du pot de la gouvernance du système, le cercle restera vicieux », peut-on lire dans le document.
« Après dix années d’atermoiements ou de louvoiement, une réforme institutionnelle profonde s’impose. Une fenêtre de tir s’est ouverte dont il faut profiter avant qu’elle ne se referme (ou que des esprits mal informés ou malintentionnés ne la referment !) », écrivent les auteurs, parmi lesquels figurent, selon nos informations, Christian Dellacherie, rapporteur de l’avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) publié en 2008 sur « l’avenir de la médecine du travail », et Jean-François Naton, vice-président du Cese et responsable du pôle travail, santé, protection sociale de la CGT. Le même Jean-François Naton devait initialement faire partie de la mission Lecocq, mais il semble que l’annonce précipitée de sa participation par la ministre du Travail l’a faite capoter.
Un bilan mitigé de la réforme de 2011
Les auteurs de la note tirent aussi un bilan mitigé de la loi de 2011 et du décret de 2012 réformant les services de santé au travail. S’appuyant sur une évaluation de cette réforme dressée par la direction générale du Travail, le constat de la CGT n’est pas tendre : « Qu’il s’agisse de l’agrément, de la consistance des projets de services, de l’inscription d’actions de prévention dans des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), elle [NDLR : la DGT] constatait que des obstacles importants subsistaient : ils résistent toujours ! »
La note propose d’aller au bout d’une réforme qui s’est arrêtée au milieu du gué. Elle souligne en particulier la dynamique créée par le dernier Plan santé au travail (PST3), dont les orientations ont été élaborées et approuvées de façon tripartite entre les partenaires sociaux, l’Etat et la Sécurité sociale. Un appel, selon la CGT, à rendre effective une véritable politique de prévention mais aussi de réparation, ce qui va plus loin que le PST3, où cette dernière dimension a été quelque peu minorée.
La CGT propose donc de rapprocher la médecine du travail de la Sécurité sociale pour moraliser le système et structurer une offre de prévention et de réparation intégrée, cohérente et efficace, qui serait bien moins coûteuse pour le monde du travail. Les auteurs de la note déclarent partager « sur ce sujet les thèmes et les termes proposés par la CFDT : “ rationalisation de l’implantation et de la mutualisation des actions des SSTI sur les territoires, mise en place d’une cotisation fondée sur des critères harmonisés, mise en place d’une structure paritaire nationale déclinée territorialement, fédérant les SSTI, ayant pour objectif d’harmoniser leurs pratiques et de relayer les orientations en matière de politique de santé au travail définies par les pouvoirs publics en lien avec les partenaires sociaux ” ».
« La branche AT-MP a les moyens »
Cette structure censée fédérer les SSTI existe, précisent les auteurs, qui désignent la branche accidents du travail–maladies professionnelles (AT-MP) de la Sécurité sociale. Avant de rappeler que cette branche fait des excédents depuis plusieurs années. « Oui, la branche AT/MP a aujourd’hui les moyens de financer la révolution copernicienne dont ont besoin le système de santé au travail et plus largement la démarche de la reconnaissance des situations de travail, de qualité du travail dans l’esprit des orientations stratégiques du PST3 », peut-on lire dans le document, ses auteurs exigeant « que les excédents soient destinés à l’amélioration de la réparation pour les victimes AT/MP et à une révolution de la prévention ».
On peut être certain que cette prise de position de la CGT va susciter des débats, tant chez les partenaires sociaux – notamment le patronat, qui souhaite garder la main sur les services de santé au travail – que chez les professionnels de la santé au travail.
Source : La CGT veut une médecine du travail intégrée à la Sécu | Santé & travail