Chantiers à risques pour les sous-traitants du nucléaire | Santé & travail

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    par Nolwenn Weiler / 02 février 2023

    Les travaux de soudure lancés sur plusieurs sites nucléaires s’accompagnent, pour les salariés sous-traitants qui les réalisent, de risques accrus d’exposition aux rayonnements ionisants. Du fait de la nature des interventions, d’un manque de personnel qualifié, mais aussi de la pression liée à la crise énergétique.

    La santé des sous-traitants du nucléaire va-t-elle servir de variable d’ajustement face à la crise énergétique ? Certains le craignent, y compris au sein d’EDF, compte tenu de la pression exercée actuellement sur le parc français en vue de maintenir la production d’électricité. En jeu : les doses de rayonnements ionisants auxquelles vont être exposés les sous-traitants dans le cadre des chantiers de correction des problèmes de « corrosion sous contrainte », découverts fin 2021 dans plusieurs centrales. Les fissures repérées se situent en effet au niveau du circuit primaire, celui qui sert à refroidir le combustible nucléaire, ce qui a imposé une mise à l’arrêt de plusieurs réacteurs. Avant de les redémarrer, il faut procéder à des travaux colossaux, notamment de soudure, dans des zones fortement exposées aux rayonnements.
    EDF n’ayant plus de soudeurs expérimentés, ce sont des sous-traitants qui sont chargés de réaliser ces très délicates opérations1 . « Les principales entreprises qui travaillent contractuellement pour EDF sur ce volet sont Framatome, Endel, Sigedi, Monteiro, Onet et Westinghouse. Au total, 500 personnes sont mobilisées pour ces opérations », précise EDF à Santé & Travail. « C’est une activité hyper dosante, ajoute pour sa part Gilles Reynaud, président de l’association Ma zone contrôlée

    , qui défend les conditions de travail des travailleurs sous-traitants. Or, il n’y a pas assez de personnel, même parmi les sous-traitants, pour faire les rotations nécessaires et tenir les délais. Donc, l’astuce c’est d’augmenter les doses reçues par chacun pour pouvoir faire le travail quand même. »

    Des limites de doses revues à la hausse

    « Nous avons été informés par certains de nos partenaires que ceux-ci envisagent de relever, pour quelques-uns de leurs salariés, cette contrainte de dose. Nous avons ainsi connaissance d’une situation où elle pourrait être relevée de 12 à 14 mSv », confirme EDF. Informée de cette situation par voie de presse, « la CGT a aussitôt émis une alerte auprès de la direction, fin septembre, insistant pour que cette augmentation reste circonscrite à une quantité réduite de travailleurs, et pour que cela reste une exception, déclare Mathieu Vankeirsbilck, membre de la commission santé, sécurité et conditions de travail du CSE central d’EDF SA. On a aussi demandé un état des lieux du nombre de personnels concernés. EDF a assuré qu’ils n’étaient même pas cent. »
    Si ce niveau de 14 mSv reste en deçà de la limite réglementaire de 20 mSv/an mentionnée dans le Code du travail, son relèvement marque un tournant dans les usages en cours au sein du parc nucléaire. « Quand on travaille chez EDF ou pour EDF, on est sur une limite éthique de 10 mSv par an, détaille Mathieu Vankeirsbilck. A partir de 8 mSv, le travailleur reçoit une alerte ; à 10, il y a des restrictions d’accès aux zones exposées. » A partir de 12 mSv, les salariés sont en général « mis au vert », c’est-à-dire interdits d’entrer en centrale pour quelques mois. Avec les tensions sur le personnel, doublées de celles qu’impose la crise énergétique, les « mises au vert » risquent de ne plus être automatiques. Or, pour les rayonnements ionisants comme pour tout cancérogène, il n’y a pas de seuil d’exposition sans danger…

    « Points chauds imprévus »

    Les travaux de soudure prévus sur les circuits primaires sont d’une grande technicité, et les risques d’exposition augmentés par les incertitudes concernant la durée des travaux. « Il peut y avoir des aléas, fait remarquer un agent EDF en charge de la surveillance de ces chantiers. L’état de la tuyauterie est incertain, il peut y avoir des points chauds imprévus. Cela augmente le temps de travail, et les doses reçues. De plus, on ne peut pas arrêter une soudure en cours de route, il faut aller au bout quand on a commencé. » « Avec nos partenaires industriels, nous sommes engagés dans des actions de réduction des doses qui s’appliquent sur les chantiers de corrosion sous contraintes, précise EDF. Ainsi, nous avons procédé à des rinçages approfondis des circuits avant intervention sur certains réacteurs, lorsque ces actions permettaient de diminuer les doses. » Pour limiter les expositions, une partie des travaux sont aussi assurés par des outillages téléopérés, mentionne l’entreprise.
    « Les prestataires ont beaucoup de pression, estime de son côté l’agent EDF cité précédemment. Les centrales sont arrêtées à cause de ces problèmes de corrosion ; il leur est donc demandé de faire vite et bien. Ils doivent réussir leurs soudures du premier coup. Ils travaillent beaucoup, et au moindre petit écart, on ne les loupe pas. Nerveusement, c’est assez compliqué pour eux. »  « Compte tenu des problèmes d’effectifs qu’il y a sur ces métiers, et du nombre de chantiers en cours sur le parc nucléaire, nous restons vigilants », affirme Mathieu Vankeirsbilck, avant de conclure : « Il risque d’y avoir des cas récurrents d’augmentations des dosimétries dans les mois et les années à venir. »

    • 1Les soudeurs font partie des métiers les plus exposés aux rayonnements ionisants, avec les échafaudeurs, les calorifugeurs et les robinetiers. Dans les centrales nucléaires françaises, 90 % d’entre eux sont sous-traitants.

    Source : Chantiers à risques pour les sous-traitants du nucléaire | Santé & travail

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