Un rapport blâme EDF sur l’EPR… et préconise de construire d’autres réacteurs

    Nous avons contribué à la consultation du public pour les VD4 1300 MWe (voir ci dessous nos propositions mises en ligne sur le site internet de l’ASN) .

    Le rapport rendu par J-M FOLZ sur la situation à FLAMANVILLE est accablant pour l’exploitant EDF et les entreprises sous-traitantes.S’il n’y avait que l’EPR de concerné on pourrait peut-être encore arriver à soigner le mal , mais c’est bien aujourd’hui toute la filière nucléaire (démantèlement-exploitations d’installations- gestion des déchets) qu’il faut traiter efficacement et durablement.Mais tout ça , vous qui nous suivez,nous soutenez,vous le savez déjà … 

     

    29 octobre 2019 / Émilie Massemin (Reporterre)

    Face au fiasco du chantier de l’EPR de Flamanville, un audit préconise entre autres… un programme clair de construction de nouveaux réacteurs. « Aucune décision ne sera prise avant la mise en service de Flamanville », a réaffirmé la ministre de la Transition écologique.

    « La construction de l’EPR de Flamanville aura accumulé tant de surcoûts et de délais qu’elle ne peut être considérée que comme un échec pour EDF. » Tel est le constat cinglant dressé dans le rapport de Jean-Martin Folz remis au ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, à la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, et au PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, lundi 28 octobre, à Bercy. Pourtant, le polytechnicien et ancien PDG de PSA Peugeot Citroën refuse de remettre en question « le concept et le design de l’EPR » et plaide même pour que le gouvernement définisse « des programmes stables à long terme de construction de nouveaux réacteurs en France ».

    Pour rappel, l’EPR de Flamanville, dont la construction a débuté en décembre 2007, aurait dû être mis en service en juin 2012 et coûter 3,3 milliards d’euros. À ce jour, le chargement du combustible n’est plus envisagé avant fin 2022 et la facture a quasiment quadruplé, pour atteindre 12,4 milliards d’euros. C’est une énième annonce de retard et de surcoût en juillet dernier, en raison d’un grave problème de soudures, qui a contraint EDF à missionner Jean-Martin Folz pour réaliser ce rapport, à la demande de Bruno Le Maire. M. Folz livre donc en trente-trois pages la « kyrielle d’événements négatifs » qui ont abouti à ce fiasco industriel. Il évoque aussi rapidement les autres EPR dans le monde : celui d’Olkiluoto, en Finlande — dont la mise en service est prévue en juillet 2020 après un retard de près de onze ans — et ceux de Taishan, en Chine — mis en service en avril 2018 et avril 2019, après plus de quatre ans de retard et un quasi-doublement des coûts (95 milliards de yuans [environ 12 milliards d’euros] au lieu des 50 milliards prévus). Rien en revanche sur les deux EPR d’Hinkley Point, dont la construction a démarré en 2016 et qui accusent déjà des retards d’au moins quinze et neuf mois et un surcoût de 3,3 milliards d’euros.

    Un regard sévère sur la conduite du chantier

    Comment EDF en est-il arrivé là ? Première erreur : « une estimation initiale irréaliste ». L’électricien avait mis presque douze ans à construire le réacteur Chooz B1, tête de série du dernier palier de réacteurs français dit N4, et un peu plus de huit ans à construire le dernier, Civaux 2. « On est bien loin des 54 mois [quatre ans et demi] annoncés pour Flamanville », lit-on dans le rapport. Cette évaluation de départ était d’autant plus utopique que l’EPR est un projet « exceptionnel par sa taille et sa complexité » : « 400.000 tonnes de béton (1,8 fois plus que pour le N4, 47.000 tonnes d’armature)(…), plus de 1.000 salles dans l’ensemble des bâtiments, 150 kilomètres de tuyauteries pour le seul îlot nucléaire », énumère M. Folz. En outre, le chantier a démarré alors que la majeure partie des études — de sûreté, d’incendie, d’agressions, sur les matériaux… — n’avaient pas été engagées. Conséquence, « un nombre de modifications qui n’a cessé de croître pour atteindre quelque 4.500 ! »

    De gauche à droite : Bruno Le Maire, Élisabeth Borne, Jean-Bernard Lévy et Jean-Martin Folz. Lundi 28 octobre 2019, à Paris.

    M. Folz porte un regard sévère sur la conduite du chantier. Côté gouvernance, « pas de chef de projet clairement identifié » pendant des années, mais une succession de responsables à temps partiel ; « ce n’est qu’en 2015 qu’un véritable directeur de projet à plein temps est désigné », s’étonne M. Folz. Il constate aussi « des équipes de projet à la peine » et installées loin du chantier, deux groupes qui portent le projet — EDF et Areva — qui se comportent comme des rivaux plutôt que des partenaires et des cascades de sous-traitants.

    Surtout, M. Floz s’inquiète d’une « perte de compétence généralisée » dans la filière nucléaire. Le début de la construction de Civaux 2, dernier réacteur mis en service en France, remonte à 1991. Sans chantier majeur pendant seize ans, la filière nucléaire a connu « une perte de compétences certaine de la part de la plupart des acteurs concernés, tant du fait du départ en retraite de spécialistes confirmés que du défaut d’entretien des expertises et savoir-faire inutilisés ». En particulier, la filière souffre d’un déficit criant de soudeurs qualifiés et expérimentés. Ce problème de la sous-traitance et des pertes de compétences n’est pas nouveau : il était déjà identifié, entre autres, dans le rapport de juillet 2018 de la commission d’enquête parlementaire menée par Barbara Pompili.

    « Il ne s’agit pas de remettre en cause la technologie de l’EPR de Flamanville »

    Face à tous ces manquements et dysfonctionnements, la filière nucléaire doit-elle renoncer à l’EPR ? Eh bien non, selon M. Folz. « Les deux EPR [de Taishan] sont aujourd’hui en fonctionnement normal », a-t-il insisté, en soulignant aussi « des progrès observés au cours des récentes années ». Il recommande au contraire au gouvernement d’afficher « des programmes stables à long terme de construction de nouveaux réacteurs en France » pour donner à la filière « la visibilité et la confiance nécessaires pour [qu’elle engage] les efforts d’investissement et de recrutement indispensables ».

    Le couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville, avec les grappes de commande et l’instrumentation qui en sortent, en juin 2018.

    L’idée n’est pas nouvelle : elle était déjà au cœur d’un rapport de la mission « concernant le maintien des capacités industrielles de la filière nucléaire en vue de potentielles nouvelles constructions de réacteurs » remis en août 2018 à Bruno Le Maire et à Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, qui préconisait la construction de six EPR à partir de 2020 pour maintenir les compétences industrielles. Ce conseil pourrait bien être suivi par le gouvernement : en septembre, Mme Borne et M. Le Maire ont discrètement transmis à EDF une feuille de route dévoilée par Le Monde, pour « être en mesure de répondre à l’exécution d’un programme de construction de trois paires de réacteurs sur trois sites distincts », sachant que la construction desdites paires serait « espacée de quatre ans et les tranches au sein d’une même paire de dix-huit mois ». De son côté, selon les révélations de BFM Business, EDF a lancé en septembre au Journal officiel de la Commission européenne un appel d’offres pour la construction de deux nouveaux EPR en France.

    Jean-Bernard Lévy s’est empressé de déclarer que la filière était en cours de redressement et serait bientôt apte à se lancer dans de nouveaux projets : « C’est une réalité, la filière nucléaire vit des moments difficiles. Mais il ne s’agit pas de remettre en cause la technologie de l’EPR de Flamanville. Des décisions ont déjà été prises, comme la création d’Edvance, une filiale d’EDF et de Framatome, pour simplifier le chantier. L’intégration de Framatome dans EDF a déjà amélioré les choses. Nous avons aussi créé le Gifen [groupement des industriels français de l’énergie nucléaire], qui rassemble plus de 190 acteurs — entreprises, organisations et associations — pour travailler sur la question des compétences. La transition énergétique ne pourra pas survenir sans une part importante de nucléaire dans le mix énergétique mondial. »

    Un « programme de travail » pour la construction de nouveaux EPR sera établi mi-2021

    M. Le Maire et Mme Borne ont cependant nié tout programme secret de construction de nouveaux EPR. « Nous allons tirer toutes les conséquences de ce rapport. La filière nucléaire doit se ressaisir », a dit M. Le Maire, avant de demander à M. Lévy de proposer un « plan d’action » sur « la gouvernance et l’amélioration de la coordination entre EDF et Framatome, un dialogue plus étroit entre EDF et l’Autorité de sûreté nucléaire, le renouvellement des compétences notamment de soudage dans la filière nucléaire, l’établissement de responsabilités tout au long du processus de construction et la prise en compte des retours du chantier de l’EPR de Flamanville dans les projets à l’exportation, notamment d’Hinkley Point ». Ce plan devra être remis d’ici un mois au conseil d’administration d’EDF et fera l’objet d’un « rapport d’État » qui sera rendu à la fin de l’année. « Ce n’est pas un exercice business as usual mais un exercice de rupture assumé comme tel, sans précédent en matière de transparence et de remise à niveau », a-t-il affirmé. Ensuite, conformément à la programmation pluriannuelle de l’énergie, un « programme de travail » pour la construction de nouveaux EPR sera établi mi-2021. « Mais la décision finale n’interviendra qu’après la mise en service de l’EPR de Flamanville », a assuré la ministre.

    Source : Un rapport blâme EDF sur l’EPR… et préconise de construire d’autres réacteurs

      2 comments for “Un rapport blâme EDF sur l’EPR… et préconise de construire d’autres réacteurs

      1. Tangy
        30 octobre 2019 at 19h16

        Le rapport Folz souligne une pratique de sous traitance par lots trop importants de livrables que les prestataires sont incapables de piloter et de réaliser. Parlons clair : il s’agit de désengagement pur et simple dans une vision ignorante du réel et de l’humain. Il est une autre réalité que Folz n’a pas captée, malgré un grand nombre d’entretiens : l’EPR c’est un peu le problème des fusées V1 et V2 pour l’armée allemande. Aucun effort de simplification, de normalisation et d’innovation dans la conception. L’automobile, la chimie, l’aviation ont révolutionné leurs méthodes de conception et de construction, l’EPR s’est complexifié sans aucune amélioration et il en est devenu à peu près inconstructible.

        • exosphene
          30 octobre 2019 at 21h13

          Logique, trop d’ingés et plus de metteur au point, CAD des techniciens d’expériences pointus dans leur domaine et ayant assez de caractère pour ramener sur terre de petits prétentieux aux délires intellectuels que plus personne ne contrôle.
          Aujourd’hui quand leurs constats contredisent ce que les ingés imposent, ils sont considérés comme des emmerdeurs, et se font virer.
          Bilan : Un EPR véritable vitrine de l’incompétence du « more coast » made in France.
          Il n’y a pas de hasard, tout cela est parfaitement logique si certains s’émotionnent de la situation aujourd’hui, c’est juste qu’ils ont cru pendant des années a un paradigme fondé sur le mensonge.
          Ce mensonge « EST » la véritable énergie nucléaire !!!

      Répondre à Tangy Annuler la réponse

      Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

      Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.