Prévention des Risques

La prévention des risques professionnels de la sous-traitance interne sur site

La sous-traitance recouvre deux notions distinctes : celle d’entreprises
qui confient des travaux externalisés à des entreprises qui les exécutent
dans leurs propres ateliers ou bureaux (sous-traitance de capacité
ou de spécialité), et la sous-traitance interne de services sur les sites industriels des donneurs d’ordre. Dans ce cas, l’entreprise sous-traitante fait ainsi travailler son propre personnel salarié dans une autre entreprise,
que ce soit dans ses usines, ses bureaux ou chantiers.

La sous-traitance recouvre deux notions distinctes : celle d’entreprises qui confient des travaux externalisés à des entreprises qui les exécutent dans leurs propres ateliers ou bureaux (sous-traitance de capacité ou de spécialité), et la sous-traitance interne de services sur les sites industriels des donneurs d’ordre. Dans ce cas, l’entreprise sous-traitante fait ainsi travailler son propre personnel salarié dans une autre entreprise, que ce soit dans ses usines, ses bureaux ou chantiers.

Les salariés de la sous-traitance interne sont plus exposés aux risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles : en effet, souvent,

– La précarité de la main d’œuvre de ces entreprises, leur manque de formation et de connaissances des lieux et des procédés, augmentent leur vulnérabilité vis-à-vis des risques professionnels ;
– Il s’agit fréquemment de PME qui souvent connaissent mal les règles d’hygiène et de sécurité et n’ont pas de service de prévention ni de CHSCT ;
– Les tâches confiées aux sous-traitants sont souvent parmi les plus dangereuses ;
– Les contraintes importantes de coûts et de délais imposées par les donneurs d’ordre conduisent à négliger chez les sous-traitants les problématiques de santé au travail.

Or, le recours à la sous-traitance interne s’est accru considérablement depuis quelques décennies au point que, sur certains sites industriels, le nombre d’intervenants d’entreprises extérieures avoisine celui des salariés de l’entreprise utilisatrice elle-même !
La baisse relative des effectifs industriels et la hausse concomitante des effectifs des services à l’industrie n’est donc en partie qu’une illusion statistique : si le niveau d’intégration de ces services était resté le même qu’au milieu du XXème siècle, les groupes industriels auraient de 10% à 20% de salariés en plus !

Cette externalisation de services (outsourcing) massive répond à des impératifs économiques puissants :

– La sous-traitance interne exclut les salariés des avantages salariaux ou sociaux acquis par ceux de l’entreprise donneuse d’ordre, et permet par suite de bénéficier de coûts plus faibles ;
– Externaliser les activités à plus faible valeur ajoutée (restauration, nettoyage, manutention, emballage, gardiennage…), ou ne correspondant pas à son activité principale (maintenance, logistique, paie, comptabilité, informatique…) pour bénéficier de compétences techniques pas ou plus disponibles en interne, permet de se concentrer sur son cœur de métier (core business),
– avec pour conséquences de faciliter le travail à flux tendus, d’accroitre la flexibilité du travail, de variabiliser les couts des fonctions de support à la production, de limiter l’effectif et les problèmes de gestion du personnel, de faire appel à des entreprises spécialisées.

De plus, ces coûts de sous-traitance interne sont bien cernés et on peut les négocier et les renégocier, ce qui apparaît avantageux en cas de baisse d’activité et, par conséquent, d’effectifs nécessaires : il ne s’agit plus de coûts fixes de structure, ce qui permet d’abaisser le « point mort » de l’entreprise. Inversement, en cas de hausse d’activité, on trouve rapidement les ressources humaines supplémentaires adéquates chez les sous-traitants. Les perturbations incessantes de l’environnement économiques sont alors moins pénalisantes pour les groupes industriels donneurs d’ordre (et cela est vrai aussi pour d’autres formes de flexibilité, comme le recours accru à l’intérim et aux CDD).

On observe même des sous-traitances internes en cascade, c’est-à-dire un sous-traitant qui sous-traite à un autre, et parfois ceci sur plusieurs niveaux…
La sécurité au travail s’est nettement améliorée pour le personnel de nombreux grands donneurs d’ordre, par souci de la santé des salariés et du climat social, mais aussi en terme de communication extérieure et d’attrait du milieu professionnel ; mais parallèlement, les enjeux de sécurité sont transférés sur des sous-traitants internes de taille réduite et de survie économique limite qui n’ont pas les dispositifs, les compétences de santé et de sécurité au travail, et chez qui l’état en la matière est préoccupant.

Les causes de la surexposition aux risques des salariés de la sous-traitance interne sur site

De nombreuses études montrent que la sous-traitance interne de services sur site est associée à une dégradation des conditions de travail et de la situation des salariés sous-traitants en matière d’hygiène et de sécurité (fréquence et gravité des AT et MP).
Et ce phénomène est probablement sous-estimé, car, dans la sous-traitance interne, la forte mobilité de l’emploi, la précarité fréquente des statuts, la diversité généralisée des lieux de travail rendent très difficile le suivi des salariés et la traçabilité de leurs expositions aux risques professionnels.
Plusieurs raisons expliquent à la fois le transfert du risque professionnel et de la pénibilité sur le salarié de la sous-traitance interne et sa vulnérabilité supérieure.

La prévention des risques professionnels est moins bien structurée, voire inexistante.
Dans les entreprises sous-traitantes souvent de petite taille, beaucoup ne disposent pas de CHSCT ni d’instances représentatives du personnel. Les Services Interentreprises de Santé au Travail ont peu connaissance des postes de travail et des expositions, tant les situations sont diverses et fluctuantes.

La multiplication des intervenants et des interfaces multiplient les risques.
Les risques sont démultipliés lorsque plusieurs intervenants sont amenés à travailler simultanément sur la même installation. Par exemple, la sous-traitance de la maintenance est externalisée de plus en plus dans les entreprises industrielles et ainsi la gestion de la sécurité doit être partagée, concertée entre les entreprises intervenantes et utilisatrices pour limiter les risques de « co-activité ».
La formalisation des relations est plus complexe lorsque des travaux sur site sont effectués par une entreprise extérieure, en particulier lorsqu’elle est nouvelle ou qu’elle intervient occasionnellement (difficultés de transmission des informations, indisponibilité de l’encadrement et du personnel de production …). Les responsabilités en matière de sécurité peuvent devenir floues.

Les situations de travail et d’emploi des salariés sous-traitants sont souvent précaires et instables.
La précarité pousse à valoriser le fait d’avoir un emploi, quitte à en minimiser les risques, à ne pas revendiquer ses droits, à accepter la sous-déclaration des accidents du travail. L’instabilité des postes occupés compromet la connaissance exacte des risques encourus et n’incite pas à la formation pour y faire face.
L’enchaînement des différents chantiers et des missions induit un éparpillement des savoirs individuels de prudence : chaque site industriel comporte, en effet, un certain nombre de risques spécifiques à sa propre activité, inhabituels et mal maîtrisés par le personnel sous-traitant y intervenant rarement ou pour la première fois.

La nature des travaux sous-traités implique des conditions de travail les plus dangereuses et pénibles.
Le personnel de sous-traitance interne sur divers sites industriels est amené souvent à effectuer de nombreuses interventions qui ne sont pas toujours répétitives et par suite, soumises à de nombreux aléas ou situations inhabituelles. Le personnel d’entretien ou de maintenance par exemple, connait peu ou pas du tout les lieux, effectue des travaux souvent dans des espaces clos, mal éclairés, exigus voire insalubres.
Le personnel de sous-traitance est fréquemment contraint de travailler en dehors des horaires normaux (travail de nuit, travail de week-end, astreintes…) et se trouve assez souvent dans la situation d’un travailleur isolé. Certains travailleurs opèrent sur des chantiers très éloignés de leur domicile, ce qui représente une contrainte psychologique forte, qui n’est pas sans conséquences sur leur vigilance face aux dangers.

La pression des donneurs d’ordre sur les coûts et les délais impose des rythmes de travail stressants.
Dans un contexte fortement concurrentiel et dans une situation de domination du donneur d’ordre qui impose ces exigences, les sous-traitants sont contraints de comprimer les coûts et les délais de leurs interventions, et la pression sur les horaires et sur les rythmes de travail accroissent les risques professionnels.

L’entreprise donneuse d’ordre est peu concernée par les conditions d’emploi, de travail et de sécurité du sous-traitant
Le contrat qui lie les deux parties est de nature commerciale et il se fonde sur une obligation de résultats et non de moyens ; juridiquement l’entreprise donneuse d’ordre n’a pas à s’ingérer dans le fonctionnement interne de l’entreprise sous-traitante.
Le remplacement d’un contrat de travail avec un salarié en interne par un contrat commercial avec une entreprise sous-traitante introduit une distinction cruciale : le contrat de travail instaure des droits (notamment en matière de sécurité au travail) et obligations au salarié alors que le contrat commercial vise à formaliser l’accord des deux signataires sur la prestation à fournir et ses modalités sans définir les droits et obligations des salariés qui vont réellement effectuer le travail.

La sous-traitance interne de services sur les sites industriels fait ainsi apparaître de nouveaux risques professionnels ayant des causes multifactorielles. Il est difficile de les hiérarchiser, d’en évaluer précisément leurs effets respectifs qui s’entremêlent et s’amplifient les uns les autres. Les risques du travail, générés par la sous-traitance sur site industriel, concernent à la fois :

  • l’activité même du site (sidérurgie, chimie, BTP…),
  • la co-activité entre salariés de l’entreprise utilisatrice et le sous-traitant,
  • le métier du sous-traitant (électricité, HVAC,…),
  • les liens contractuels entre le donneur d’ordre et ses sous-traitants qui impliquent souvent des contraintes excessives de délai et de coût, une précarisation des emplois et une intensification du travail, sources de risques d’accidents du travail.
  • Enfin, le « nomadisme » fréquent des travailleurs de la sous-traitance sur site qui exclue la constitution d’une mémoire collective des bonnes pratiques de sécurité transmises par expérience.

Il est possible d’agir sur tous ces aspects pour apporter des améliorations sur la sécurité des activités de sous-traitance interne sur site.

La mise en place d’une prévention adaptée à la sous-traitance interne sur site

  • Un Plan de Prévention qui ne se réduit pas à une opération administrative formelle

La réglementation régissant l’entreprise extérieure est édictée dans le décret de février 1992 (prescriptions particulières d’hygiène et sécurité applicables aux travaux effectués par une entreprise extérieure) et fixe le cadre juridique de la coopération, lors de la préparation de l’intervention de sous-traitance sur site, pour établir les modes opératoires en commun, le plan de prévention avec une analyse partagée des risques, et pour adopter des mesures de prévention dont le chef de l’entreprise donneuse d’ordre assure la coordination générale.
Le but est de prévenir les risques liés à l’interférence entre les activités, les installations et matériels de l’entreprise utilisatrice et celle sous-traitante.
Pour réduire ces risques, un planning rigoureux qui organise les étapes d’intervention des différentes entreprises sur le site, doit être établi en amont, avec une inspection commune des lieux de travail et du matériel préalablement à l’exécution des travaux (Article R4512-2), avec certaines règles communes, comme par exemple, les coupures d’eau, d’électricité, mais aussi le balisage et la signalisation, les équipements de protection…Les détails de cette organisation sont décrits dans un Plan de Prévention que la loi impose avant le commencement des travaux si le nombre total d’heures de travail prévu pour réaliser les travaux est au moins de 400 heures sur 12 mois, ou bien si les travaux figurent sur la liste des travaux dangereux fixé par l’arrêté du 19 mars 1993 (Article R. 4512-6 du code du travail : plan de prévention, Article R. 4512-7 du code du travail : plan de prévention écrit).
Enfin, avant le début des travaux, le chef de l’entreprise sous-traitante doit sur les lieux et sur leur temps de travail informer ses salariés des dangers de l’activité et des mesures de prévention prises (Article R4512-15).
L’obligation légale de l’entreprise utilisatrice se limite à vérifier que les intervenants extérieurs ont bien reçu la formation nécessaire.
Le CHSCT des entreprises concernées peut désigner des membres pour participer à l’inspection préalable. Leurs avis sur les mesures de prévention sont portés sur le plan de prévention qui est tenu à leur disposition ainsi que ses mises à jour.

  • Une politique de sélection et d’habilitation des sous-traitants internes sur site

Le développement des systèmes de management de la sécurité et l’émergence de référentiels comprenant des exigences de sécurité permettent de prendre en compte les risques pour la santé et de la sécurité de la part des donneurs d’ordre et des sous-traitants. Il existe différentes habilitations ou certifications : MASE (Manuel Assurance Sécurité Entreprise), UIC (Union des Industries Chimiques),… visant à s’assurer que le sous-traitant a de bonnes références en sécurité, que son personnel a toutes les habilitations requises.
Mais cette conformité formelle aux procédures de sécurité doit être couplée à une maîtrise réelle des risques par un contrôle effectif du donneur d’ordre sur l’activité de son sous-traitant. L’implication forte des donneurs d’ordre pour mener une politique de sécurité globale est nécessaire pour maintenir un réseau de sous-traitants autour de leur activité qui ne nuisent pas finalement à leur qualité et à leur image de marque par une sinistralité importante.
La sous-traitance en cascade pose la question de savoir si la compétence du premier sous-traitant permet d’évaluer l’aptitude de son prestataire de second rang et introduit donc un niveau supplémentaire de risque de perte de contrôle par le donneur d’ordre.

  • La mise en place de CHSCT élargis réunissant le CHSCT du donneur d’ordre et celui du sous-traitant

La sécurité de tous les employés sur un site industriel dépend non seulement des installations et équipements mais aussi de l’interaction entre les différentes entreprises et la co-activité est un risque important en soi.
Le CHSCT constitue l’organe de dialogue sur le sujet des conditions de travail et de la sécurité, mais il est interne à une entreprise et sur un grand site industriel il ne regroupe donc que les salariés du donneur d’ordre.
Il s’agit de rapprocher, voire homogénéiser, des conditions de sécurité-santé de tous les salariés intervenant sur le même site, indépendamment de leurs contrats de travail et de leurs statuts.
Elargir la compétence des élus CHSCT du donneur d’ordres à l’ensemble des salariés présents sur le site, est un des moyens de considérer le site industriel dans sa globalité comme étant l’entité pertinente de l’action en matière de santé-sécurité.
L’existence d’institutions représentatives du personnel des entreprises sous-traitantes permet leur association à l’élaboration d’une politique de prévention, tant en ce qui concerne l’évaluation des risques, que les contrôles de conformité ou les audits suite à accidents du travail (exemple : EDF a mis en place depuis 2004 les CIESCT, Comité Inter-Entreprise pour la Sécurité et les Conditions de Travail).
La loi Bachelot du 30 Juillet 2003 sur la prévention des risques technologiques et naturels a institué le CHSCT élargi aux entreprises extérieures dans certains établissements industriels à risque majeur (classés SEVESO « seuil haut ») ainsi que les établissements de stockage de produits dangereux.

  • Les contrats pluriannuels facilitent la prévention des risques.

La fidélisation des entreprises intervenantes par la passation de contrats pluriannuels, entre donneurs d’ordre et sous-traitants, favorise l’intégration des salariés sur le site d’intervention et la constitution de collectifs de travail mixtes. En préparant plus en amont, le prestataire peut mieux prévoir la formation, les moyens et équipements dédiés à la sécurité, car ces contrats long terme renforcent la connaissance du site par les prestataires.
Ce type de contrat introduit une relation de collaboration propice au partenariat pour l’amélioration de la sécurité dans ces sites industriels.

  • La formation à la sécurité du personnel de la sous-traitance interne sur site.

La formation immédiate et la sensibilisation rapide à la sécurité spécifique au site est fondamentale pour un salarié de la sous-traitance afin qu’il adapte tout de suite son comportement, ses modes opératoires et sa protection individuelle face aux risques de l’entreprise et aux risques du poste de travail. Cette formation doit être dispensée de manière systématique aux salariés mis à disposition par une entreprise sous-traitante, lors de leur accueil sur le site industriel. Cette formation d’accueil est imposée par la législation, dispensée sur les lieux de travail et pendant le temps de travail.
Au niveau de l’entreprise, cette formation porte sur les risques généraux, les conditions d’exploitation, les conditions de circulation, l’organisation de la prévention, l’organisation des secours (évacuation incendie, emplacement de la pharmacie, etc.)
Pour le poste de travail, cette formation porte sur les risques spécifiques à l’exécution du travail (arrêt d’urgence des machines, etc.), de la conduite à tenir en cas d’accident, de l’utilisation des équipements, des modes opératoires.

  • INRS : Soustraitance et accidents : Dossier NS 266
  • INRS : Intervention d’entreprises extérieures. Aide mémoire pour la prévention des risques : Dossier ED 941 (Année de publication : 2009)

Source : http://www.officiel-prevention.com/formation/fiches-metier/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=206&dossid=263