Quatre questions brûlantes sur la sécurité nucléaire en France.

    Les incidents survenus en juillet 2008 au Tricastin et à Romans-sur-Isère (Drôme) ont soulevé une série de questions sur la fiabilité des installations ou la transparence de ce secteur

    Que va-t-il se passer après la découverte d’une pollution ancienne sur le site du Tricastin ?

    Très vite, il est apparu que la présence d’uranium à des taux fluctuants dans la nappe phréatique n’était pas due à la fuite du 7 juillet.

    Depuis, Jacques Repussard, directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), a admis que cette pollution était « en partie due à des déchets militaires ». Ce que la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) affirmait dès le 11 juillet.

    Il s’agit d’uranium naturel, et non pas d’isotopes issus de centrales nucléaires, provenant d’activités d’enrichissement d’uranium à des fins militaires. Ces déchets ont été enfouis entre 1964 et 1976 sous une butte de terre située au nord-est du site. Une contamination de la nappe repérée en 1977 a été traitée par pompage de 1980 à 1998.

    Une étude a ensuite conclu à l’absence de risque pour la population environnante. Mais pour Corinne Castanier, directrice de la Criirad, « les 760 tonnes de déchets uranifères enfouis sous le tumulus sont une source avérée de pollution, une pollution qui continue lentement mais sûrement. Il faut donc y mettre un terme dans les meilleurs délais. »

    Un rapport du CEA publié en 1998 estime quant à lui qu’environ 900 kg d’uranium ont déjà été lessivés par les eaux de pluie. Depuis, Areva s’était engagé à recouvrir ce tertre, mais ne s’est jamais exécuté. À terme, les déchets devraient être déménagés.

    Tout risque sanitaire peut-il aujourd’hui être écarté ?

    Jeudi 18 juillet, l’IRSN a affirmé, après contrôle, que les produits des jardins potagers et des cultures situés près du site du Tricastin étaient aptes à la consommation. Selon des prélèvements effectués trois jours après l’incident, l’impact du rejet accidentel sur l’environnement est « faible » et n’a, en conséquence, « pas d’impact sanitaire ».

    En ce qui concerne les contaminations anciennes, les mesures effectuées par l’IRSN mettent en évidence, en certains points, des taux d’uranium supérieurs au seuil de potabilité établi par l’OMS. Mais les 19 personnes exposées à cette concentration d’uranium, notamment parce qu’elles puisaient de l’eau dans les nappes phréatiques concernées, ont subi des examens toxicologiques qui se sont révélés normaux. De son côté, la Criirad estime qu’un risque de surexposition à l’uranium est « extrêmement faible, mais non négligeable ».

    Le système de contrôle de la sûreté nucléaire est-il fiable ?

    Avec la promulgation de la loi sur le nucléaire en 2006, les fonctions et les outils de contrôle de l’activité nucléaire, civile et militaire, ont été revus. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) joue, avec ses inspecteurs, le rôle de « gendarme du nucléaire », tandis que l’Institut de radioprotection et de sécurité nucléaire (IRSN) assure, entre autres fonctions, les mesures de la radioactivité dans et autour des 121 installations nucléaires (19 centrales, 3 usines de combustibles, 1 usine de retraitement, 2 centres de stockage de déchets…). Mais comme l’a rappelé le ministre de l’écologie vendredi, c’est aux exploitants de faire de l’auto-contrôle : « C’est leur responsabilité ».

    Mais le gouvernement ne s’en tient pas là. Installé en juin, le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), vient d’être chargé par Jean-Louis Borloo de « remettre à plat » toutes les pratiques sur la sûreté nucléaire d’ici à fin octobre. Il entendra tous les acteurs : industriels, opérateurs, militaires, associations.

    Lors de l’incident du Tricastin, « toutes les procédures n’ont pas été rigoureusement respectées, la qualité et le délai de communication des informations ne sont pas satisfaisants », a déclaré son secrétaire général Stéphane Noël. Pour ce responsable, l’information doit être plus accessible et mieux structurée pour le public. Le nouveau directeur de la Socatri et ses collaborateurs seront à nouveau audités le 23 septembre.

    Le secteur nucléaire est-il toujours aussi peu transparent ?

    Si cette question est au cœur des débats, c’est qu’en 1986, la catastrophe de Tchernobyl avait mis au jour l’absence de transparence des instances de contrôle nucléaire françaises. À l’époque, le Service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI), supprimé en 1994, était le seul organisme de vérification et de communication sur la question. La Criirad s’était créée dans la foulée, en réaction précisément au manque de transparence révélé par cette catastrophe.

    Depuis, les choses ont changé. Une loi relative à la transparence et à la sécurité nucléaire a été votée en 2006. Elle institue une Haute Autorité de sûreté nucléaire (HASN), une autorité administrative indépendante « compétente en matière de contrôle de la sûreté et de la radioprotection ».

    Le but : éviter que le gouvernement soit juge et partie dans le domaine nucléaire. « Le système est plus transparent aujourd’hui, même s’il reste encore beaucoup à faire », commente la directrice de la Criirad. Néanmoins, pour Corinne Castanier, « la Haute Autorité est surtout un outil de communication pour le gouvernement ». Cette responsable de la Criirad en veut pour preuve la faible représentation d’associations au sein de l’organisme et « l’absence de pluralisme de ses membres, tous favorables au nucléaire ».

    http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2344365&rubId=786

    Françoise MARMOUYET et Denis SERGENT

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