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INTERVIEW – Alain Rannou, conseiller scientifique à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, revient sur les récents incidents…
Depuis la fuite d’uranium à l’usine de Socatri (Vaucluse), pas moins de trois incidents ont été signalés dans le nucléaire français. Faut-il s’en inquiéter?
Hormis le premier incident, qui méritait d’être médiatisé, les autres relèvent quasiment du fonctionnement normal d’une centrale ou d’une installation nucléaire. Comme l’a rappelé l’Autorité de sûreté nucléaire au lendemain du deuxième incident, à la centrale de Tricastin (Drôme), quelque 900 incidents et accidents sont déclarés chaque année en France.
A partir de quel seuil de contamination un incident est-il déclaré?
Lorsqu’un ou plusieurs salariés du site ont reçu une dose de plus de 5 millisievert, ce qui représente le quart de la dose limite annuelle (20 mSv) pour tous les travailleurs français exposés à de la radioactivité, que ce soit dans l’industrie classique ou le secteur médical. Mais certains opérateurs (EDF, Areva, le Commissariat à l’énergie atomique…) déclarent parfois des contaminations à un seuil inférieur, par souci de transparence. Le 23 juillet dernier, à Tricastin, les salariés ont reçu le quarantième de la limite réglementaire, soit 0,5 mSv.
Les salariés du nucléaire ne courent donc pas tellement plus de risques que les autres?
Effectivement. Depuis une quinzaine d’années, l’industrie nucléaire a fait beaucoup d’efforts pour réduire les doses auxquelles sont exposés ses salariés. Résultat, cela fait plusieurs années que pas un seul travailleur n’a dépassé la limite réglementaire annuelle, hors incident majeur. Alors qu’en 2006, la moitié des dépassements signalés (18 sur 26 cas) relevaient du secteur médical.
Comment expliquez-vous ce retard dans le secteur médical?
Ce secteur n’a pas la culture de sûreté et de radioprotection en vigueur dans les centrales, potentiellement plus exposées. Du coup, il y a un relâchement de la vigilance au quotidien et même un certain déni du risque chez les médecins. Par ailleurs, il est plus difficile de surveiller des dizaines de milliers de cabinets de radiothérapie que quelques dizaines d’installations nucléaires.
Les patients sont-ils également exposés?
Une personne qui fait un scanner du thorax reçoit 5 mSv, soit la dose à partir de laquelle un incident est déclaré sur un site nucléaire. Pour une radio pulmonaire, c’est de l’ordre de 0,05 mSv. Le plus dangereux reste la radiothérapie pour soigner un cancer. Les faisceaux de radiation sont très ciblés afin de ne tuer que les cellules cancéreuses. Mais le risque d’irradier d’autres cellules n’est pas nul. Il n’empêche qu’il vaut mieux courir ce risque que de ne rien faire du tout.