Coronavirus : quel impact pour les personnes travaillant sur les installations nucléaires ?

    Officiellement, EDF a tout prévu pour continuer la production d’électricité dans les centrales nucléaires malgré l’épidémie de coronavirus. Si à court terme la conduite des réacteurs ne semble pas menacée, les travailleurs sous-traitants dénoncent une prise en compte insuffisante des risques pour leur santé.

    À ce stade (17 mars 2020), on recense 4 cas de contamination avérées parmi le personnel d’EDF travaillant en centrale nucléaire : un à Belleville-sur-Loire (Cher), un à Flamanville (Manche), un à Cattenom (Moselle) et un à Fessenheim (Haut-Rhin, l’un des départements les plus touchés). La contamination d’un prestataire a également été avérée à la centrale nucléaire de Gravelines (Nord).

    À Orano La Hague, le retraitement du combustible usé a été arrêté le mardi 17 mars.

    Pour EDF, les centrales peuvent continuer à fonctionner…

    Depuis 2000, EDF s’est dotée d’un « plan pandémie », qui a été actualisé en 2003 puis en 2011, à l’occasion des crises du H1N1 et du SRAS. Selon ce programme, en organisant différemment les changements d’équipes, la conduite des réacteurs en fonctionnement peut être assurée jusqu’à 12 semaines avec 25% des effectifs absents, et même pendant deux à trois semaines avec 40% d’absents.

    Si ces prédictions apparaissent rassurantes, il n’en demeure pas moins que la conduite de réacteur est une tâche complexe et exigeante. De plus, même si les procédures sont extrêmement cadrées, les individus ne sont pas strictement interchangeables. Un effondrement des effectifs risquerait d’apporter une désorganisation notable, surtout si le coronavirus affecte particulièrement les personnes les moins jeunes, et donc les plus expérimentées. De tels facteurs humains sont déjà susceptible d’affecter la sûreté en temps normal et là ne doivent pas être sous-estimés. Ainsi, en octobre 2019, une inspection de l’Autorité de sûreté nucléaire effectuée à la centrale nucléaire de Golfech(Tarn-et-Garonne) avait relevé que certaines équipes de conduite étaient « en grande difficulté » du fait d’une réorganisation interne. Elle avait également pointé une « défaillance dans la maîtrise des fondamentaux » liés à cette activité, résultant notamment d’un tuilage insuffisant entre agents expérimentés et nouveaux arrivants (en 5 ans, la moitié des effectifs avaient été renouvelés suite à des départs en retraite).

    Des prestataires insuffisamment protégés

    Toutefois, les centrales nucléaires ne fonctionnent pas uniquement grâce au personnel d’EDF. Rappelons que la quasi-totalité des activités de maintenance des installations est effectuée par des prestataires, qui ne bénéficient pas des mêmes conditions que les agents statutaires et subissent 80% des doses radioactives. Déjà victimes d’un suivi médical déficient, ils dénoncent maintenant une mise en danger supplémentaire liée à la crise du coronavirus.

    Gilles Reynaud, président de l’association « Ma Zone Contrôlée », se montre extrêmement préoccupé par le sort de ses collègues. « Après toute intervention en zone nucléaire, pour permettre de détecter une éventuelle contamination radioactive corporelle, chaque personne doit placer ses pieds et ses mains dans un appareil de contrôle radiologique (portique C2 et/ou Contrôleur Main Pied). Ceux-ci sont équipés de capteurs qui viennent au contact de la peau. Plusieurs centaines de personnes mettent chaque jour leurs mains dans ces appareils et ils ne sont même pas nettoyés après chaque passage ! Les entreprises qui nous emploient ne nous donnent pas les moyens de nous protéger contre le coronavirus. Les risques psychosociaux explosent et l’anxiété qu’occasionne le Coronavirus n’est pas de nature à améliorer le niveau de sécurité et sûreté des installations du fait de conditions de travail très largement dégradées ».

    Illustration postée sur la page de « Ma Zone Contrôlée »

    Sur les sites où des réacteurs sont arrêtés pour maintenance (Tricastin, Penly, Bugey, Cruas, Chinon, Gravelines, Civaux et Nogent), ainsi que sur le chantier en cour à Orano Tricastin (remplacement des cristalisoires CX2), des personnes travaillant dans la sous-traitance dénoncent les risques pour leur santé.

    Sur la page Facebook de Ma Zone Contrôlée, certains témoignent de consignes inexistantes, d’une distanciation insuffisante et de l’absence de mesures pour réduire la coactivité. Ils demandent de reporter les interventions non indispensables, comme c’est déjà le cas sur les chantiers de démantèlement.

    Des travaux de maintenance suspendus

    Face à la contamination d’un travailleur, le plan pandémie vient déjà d’être activé à la centrale de Flamanville, qui est à l’arrêt depuis plusieurs mois. Les travaux de maintenance sont suspendus et seules les activités essentielles au maintien de la sûreté seront maintenues. Cependant, tout ne peut pas être ajourné sur un réacteur en maintenance. « Reporter d’un mois le changement d’un matériel sur un réacteur arrêté, c’est jouable, mais pour autant qu’il existe un système redondant. Par ailleurs, certaines étapes, une fois commencées, doivent impérativement être menées à terme », explique Gilles Reynaud. Pas possible, par exemple, d’interrompre en cours de route un déchargement de combustible, qui nécessite environ 56h d’intervention…

    Si le report de ces travaux est nécessaire pour éviter de nouvelles contaminations, on peut s’interroger sur les conséquences à long terme sur la sûreté. Hors période de crise sanitaire, dans un contexte où EDF, en pleine course à la rentabilité, cherche à réduire au maximum la durée des arrêts pour maintenance, certains travaux de maintenance préventive ne sont déjà plus effectués. Il en résulte déjà une dégradation de l’état de certains équipements . Si les arrêts devaient s’étendre, doit-on craindre que certaines opérations ne soient pas simplement ajournées, mais passent à la trappe jusqu’à nouvel ordre ? Sachant que l’Autorité de sûreté nucléaire a elle-même suspendu sa présence physique sur les centrales, certains problèmes de sûreté risquent de passer au travers des mailles du filet.

    Certes, il n’y a pas lieu, pour l’instant, de tenir un discours alarmiste sur un risque imminent pour les centrales. Mais cette crise ajoute une raison de plus de tourner le dos à une technologie dangereuse et complexe, pour aller vers un système énergétique moins vulnérable et plus résilient reposant sur les économies d’énergie et les énergies renouvelables. Et dans tous les cas, elle met une nouvelle fois en lumière la situation dégradée et le manque de considération que subissent l’ensemble des prestataires du nucléaire.

    Source : Coronavirus : quel impact pour les personnes travaillant sur les installations nucléaires ?

    Nous remerciions le réseau SDN pour l’information faite sur cette situation.

    Mais pourquoi donc les syndicats des donneurs d’ordres et ceux des entreprises extérieurs ne ce saisissent pas de sujet collectivement ? En tout cas maintenant beaucoup son au jus de la situation 😉 On dit merci qui ? hahaha , soyez prudent , rester confinés , prenez soin de vos proches et voisins #Solidairement

      3 comments for “Coronavirus : quel impact pour les personnes travaillant sur les installations nucléaires ?

      1. exosphene
        20 mars 2020 at 10h13

        La crise du coronavirus est vraiment révélatrice de notre temps.

        Mais peut-être est-il bon d’aborder cette crise sous un angle différent.

        Comme vous le savez notre pays est équipés de 58 réacteurs nucléaires, comme vous le savez la santé et la sécurité est une prérogative de nos industriels énergéticiens 🙂 ce que vous vérifiez chaque jour.

        La fameuse culture sécurité radioprotection post Fukushima à permis de mettre sur pied la FARN, Force d’action Rapide Nucléaire, unité spécialisée en cas d’accident nucléaire, d’ailleurs tout un plan piloté par les autorités est prévu en pareil cas !!!
        Ne vous inquiétez pas tout est dans les tuyaux !!!

        Et c’est là que je veux en venir !!!

        Si ce plan est véritablement rodé et opérationnel : Il prévoit automatiquement un stock stratégique de matériel de protection, disponible et mobilisable immédiatement pour protéger personnel et population directement impacté par l’accident. (CAD des milliers de gants et de masques.)

        Alors effectivement on nous parle des pastilles d’iode, c’est bien, ça rassure, ça fait la une et puis surtout ça coûte pas cher, c’est juste la version pharmacie un peu plus iodée que de notre sel de table, iodé artificiellement (parce qu’on à 58 réacteurs nucléaires) mais cela on ne le dit pas aux gens.

        Moi la question que je me pose est : Qu’en est-il du stock de masque, de gants, combinaison censés être là pour protéger salarié et population en situation accidentelle.

        Et là je me dis vue la situation du Coronavirus où nous soignants n’ont pas le matériel à disposition de protection, comment se fait-il devant l’urgence, que personne ne pense à rendre disponible ce stock stratégique pour parer à l’urgence absolue d’une pandémie mondiale en cours et plaçant à court de moyens ?

        Personnellement j’aurais aimé avoir une réponse des autorités sur cette question qui soit différente de : Mais de quel stock stratégique parlez-vous ?

        Ce qui signifie que les effets d’annonces de l’iode et la mise en scène hollywoodienne de la FARN ne sont qu’un château de carte vulnérable au moindre courant d’air.

        En cas de contamination, je peux vous dire, vu la taille ridicule des labos spécialisé dans le domaine, que le dispositif médical visant à pouvoir contrôler la contamination sur une masse de population relève du délire de bureaucrate. Comme pour le coronavirus, pas de contrôle pas de maladie c’est bien connu, c’est la base de la médecine ultra-libérée.

        Quand des alertes sur la santé publique sont systématiquement jetées à la poubelle et ignorées des autorités et condamnées par la justice, et bien un jour on finit par en payer le prix et il ne faut pas s’étonner de voir arriver un scénario type coronavirus.
        Mais rassurez-vous cela aurait été rigoureusement la même chose si un accident nucléaire s’était produit.

        Courage les gars prenez soin de vous, parce que personne ne le fera à votre place !!!

      2. Martinez
        19 mars 2020 at 8h19

        Retraité du nucléaire depuis peu, j’aimerai savoir comment ont respect dans les vestiaires froid et chaud et aussi dans les BR la règle de la distance d’un mètre entre deux agents pendant un arrêt de tranche.

        • 19 mars 2020 at 8h24

          On ne respect pas les règles élémentaires d’hygiène et sécurité sanitaire, c’est scandaleux !

      Répondre à mazonecontrolee Annuler la réponse

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